Après l'échec de la Constitution européenne, c'est au tour du traité de Lisbonne - rejeté par l'Irlande - qui va en droite ligne vers la trappe. Un avatar de l'échec de la Constitution européenne de 2005? Il n'en reste pas moins que le rejet par les Irlandais du traité de Lisbonne va au-delà de cet aspect du problème pour poser un questionnement plus sérieux: quelle Europe construire et pour qui? C'est en fait, ce que les Européens veulent savoir qui ne comprennent pas grand-chose à des textes de loi européens qui sont tout sauf. C'est même l'une des raisons du rejet par les Irlandais d'un traité dont les implications intrinsèques leur ont été insuffisamment expliquées par les responsables politiques à Dublin. L'Union européenne est un ensemble qui est, en fait, plus qu'une organisation internationale, moins qu'un super Etat, tente de trouver les contours d'un Etat fédéral, sans cependant s'en donner les moyens politiques, avec une politique étrangère commune, une politique de Défense commune en particulier. L'UE, dans son schéma actuel, est plus une Europe commerciale et économique qu'un véritable Etat avec un gouvernement fédéral élu. C'est en particulier le reproche qui est fait par les peuples européens à la Commission de Bruxelles dont les membres sont désignés par les gouvernement des 27 Etats de l'Union. Depuis sa création, l'Union européenne est gouvernée grâce à des institutions telles que le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne. Celles-ci fonctionnent grâce à des traités (notamment ceux de Maastricht et de Nice) dont le dernier est le traité de Rome de 2004 qui organisent les relations - compliquées il faut le dire - entre ses Etats membres. En 2005, le vote négatif des Français et des Néerlandais avait poussé à la trappe la Constitution européenne qui est le Traité établissant une Constitution pour l'Europe (TCE). Donc exit le TCE. Ce qui contraint l'Europe à réfléchir à une nouvelle variation permettant à l'UE de fonctionner dans la fluidité et normalement. Cela a donné lieu au traité de Lisbonne, document signé dans la capitale portugaise le 13 décembre 2007 et devait entrer en vigueur après sa validation par les 27 Etats. Le traité de Lisbonne dit «Traité modificatif» ou encore «Traité simplifié» devait donc remplacer le TCE ou Constitution européenne. Or, aux dires des experts et analystes, ce «Traité simplifié» n'a en fait rien de simple. Ce qui est apparu dans la campagne irlandaise ou les représentants du gouvernement ont été incapables d'expliquer le pourquoi du traité de Lisbonne et à quoi il va bien servir. En fait, échaudés par l'expérience française et néerlandaise, tous les pays membres de l'UE ont décidé de passer par un simple vote de leur Parlement (18 Parlements européens ont déjà entériné le traité) sauf l'Irlande qui organisa un référendum le 12 juin. Référendum qui s'est finalement soldé par un rejet assez large ou le «non» (53,4%, contre 46,6% de «oui»), déclenchant dans la foulée une nouvelle crise politique en Europe. Car, en votant «non» les Irlandais ont, de fait, «stoppé» de facto l'application du traité. Hier, les dirigeants européens avaient pour souci premier de voir comment travailler avec le «traité de Lisbonne» malgré le rejet de l'Irlande, il veulent aller de l'avant. Mais comment? Certes, les retrait de l'Irlande arrangerait pas mal de monde, mais à l'évidence on n'en est pas là, d'autant plus qu'il y a le précédent du Danemark qui rejeta, au début des années 90, son entrée dans l'euro (monnaie unique européenne). Donc il va falloir «aménager» la participation de la Verte Erin, au fonctionnement de l'Union européenne, dans la mesure où il semble exclu qu'il y ait un second référendum qui donne aux Irlandais de revenir sur le rejet, jeudi, du traité de Lisbonne, comment eut déjà lieu lorsque ces mêmes Irlandais, après avoir rejeté le Traité de Nice, l'ont accepté lors d'une seconde consultation au début des années 2000. M.Sarkozy, qui était quelque peu dépité par le résultat irlandais, à la veille de sa prise de fonction à la tête de la présidence tournante de l'UE, a admis qu'il faut penser l'Europe autrement, affirmant: «Il faut qu'on en tienne compte très rapidement (du rejet de l'Irlande) et qu'on change notre façon de faire l'Europe. L'idée européenne, on n'a pas le droit de la saboter, mais il faut qu'on fasse différemment», et d'ajouter: «Il faut qu'on réfléchisse tous ensemble», avant de souligner «beaucoup d'Européens ne comprennent pas la façon dont on construit l'Europe en ce moment». C'est le moins qui puisse être dit quand les textes et lois qui organisent l'Union européenne sont inaccessibles au commun des Européens. En fait, l'UE apparaît, de plus en plus, comme un ensemble à géométrie variable, où se déclinent les «nationalités» européennes, où «Europe nationale» unique est encore un rêve proche de l'utopie.