La politique fiscale en tant qu'instrument de régulation économique, le code fiscal entre réalités et perspectives ainsi que les effets de l'informel sur la fiscalité sont, entre autres, les axes majeurs autour desquels se sont articulées les journées parlementaires sur la politique fiscale et la performance de l'entreprise économique, tenues à Djenane El Mithak à Alger. En effet, après avoir écouté les experts, enseignants et institutionnels sur le sujet de la politique fiscale en Algérie, hier, la tribune était ouverte aux plus concernés, à savoir les opérateurs économiques. M. Issaâd Rebrab, président-directeur général du groupe Cevita,l a soulevé la question des incohérences sur certains impôts sur la consommation, dont la TVA, et qui touchent directement le pouvoir d'achat. A ce titre, il signalera que le sucre et les huiles ne sont pas considérés comme des produits de première nécessité. Ils sont taxés à 17%, alors que dans plusieurs pays arabes, notamment voisins, la TVA varie entre 0 et 10 %. Par ailleurs, il dira que "l'Algérie est le seul pays au monde où on paye 17% de TVA sur les fruits et légumes". Et d'ajouter, dans le même contexte, qu'"il faut qu'il y ait une équité et une justice sociale à travers la fiscalité". Selon lui, l'impôt sur les bénéfices réinvestis était de 5% à l'époque de la cessation de paiement, alors qu'aujourd'hui le taux réduit a été supprimé et l'IBS est passé à un taux unique de 19%. "C'est comme si on ne voulait pas encourager les gens à réinvestir. Pire encore, on les pousse à transférer l'argent ou à le dépenser ailleurs", a-t-il dit, tout en appelant à ce que le taux de l'impôt sur le bénéfice réinvesti soit réduit à 1%. Il a également cité des incohérences en matière d'introduction en Bourse qui permet plus de transparence dans les entreprises. Il dira, à cet effet, que si on veut entrer à la Bourse on doit payer 35% de taxe sur la plus value, signalant les incohérences au niveau de la cession des parts sociales. Il estime que l'IRG à payer sur les plus values générées par la cession des parts sociales doit être ramené à 10 % au lieu de 35%. Il a également signalé le désordre généré par le décret exécutif 08-243 de 2008 régissant les honoraires des notaires. Il remettra, en outre, en cause le régime fiscal régissant les dons aux associations caritatives et le sponsoring. "Si on veut faire un don à une association, on doit payer une taxe sur ça. C'est aberrant", a-t-il signalé. Le patron de Cevital a tenu à signaler qu'une progression de 50% du chiffre d'affaires de son groupe a engendré une progression de 59% de l'ensemble des impôts payés par Cevital. Sur 10 années d'activités, Cevital a payé plus de 139 milliards de dinars d'impôts. Selon M. Rebrab, toutes ces incohérences sont en grande partie le fruit de l'absence de concertation entre les décideurs économiques et les opérateurs. M. Rebrab indiquera, par ailleurs, que le nombre de postes d'emploi créés par son groupe est passé de 782 en 1999 à 8 391 en 2008, tout en prévoyant la création de 4 400 emplois pour l'année en cours, avec une projection de 25 000 vers l'année 2012. Alliance objective entre les barons de l'importation et le secteur de l'informel Pour sa part, M. Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), a traité la problématique de l'informel qui constitue " un danger réel non seulement pour la stabilité de l'économie nationale, mais aussi pour la stabilité du pays ". Selon le président du FCE, l'informel est une réponse à l'excès de rigidité de l'administration, ce qui a mené l'Algérie à être un des pays où créer une entreprise ressemble à un parcours du combattant. M. Hamiani a mis en évidence un phénomène ayant trait à une catégorie de la société algérienne sous un prétexte idéologique, considérant que l'Etat n'a pas le droit de ramasser des impôts. Selon lui, le secteur informel en Algérie a trois forces. Il s'agit en premier lieu de la constitution d'un réseau à travers 700 marchés parallèles qui se sont développés sur l'ensemble du territoire national. M. Hamiani a également évoqué l'existence d'une alliance objective entre les barons de l'importation et le secteur de l'informel. Selon lui, ce phénomène arrive à se dérober de l'administration. "L'informel a une grande capacité à se soustraire l'administration fiscale. Celle-ci n'arrive plus à suivre ce secteur hyperactif et mobile", a-t-il signalé. Par ailleurs, le président du FCE a qualifié le secteur de l'immobilier de très spéculatif. "C'est la machine à laver l'argent de l'informel", a-t-il encore signalé. Se basant sur l'étude qui a été faite récemment par le FCE, M. Hamiani a indiqué que près de 1,8 million de personnes sur une population effectivement occupée de 8,25 millions, activent dans l'économie informelle en Algérie. Selon toujours cette étude citée par le président du FCE, le taux de l'informel est supérieur à 40% dans plus de vingt professions totalisant près de trois millions d'actifs. Les conséquences pour le système d'assurances sociales et pour le fisc sont astronomiques. Avec des sommes estimées entre 300 et 600 milliards de dinars (3 à 6 mds d'€), les revenus issus de l'informel risquent donc d'absorber l'économie, avec, entre autres conséquences, un manque à gagner important pour le Trésor public (22 milliards de dinars pour la seule TVA) et les organismes de sécurité sociale (42 milliards de dinars pour l'IRG 120 milliards de dinars, soit 1,2 mds€ non prélevés. Environ 10 milliards de dollars de chiffre d'affaires dans l'informel M. Bendjaber Brahim, président de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie, a indiqué, en marge de la rencontre, que "le chiffre d'affaires généré par le secteur informel est estimé à environ 10 milliards de dollars". Ce chiffre a été calculé à partir de la déclaration du ministre du Travail et la Sécurité sociale inhérente au nombre de travailleurs activant dans le secteur informel, situé entre 1 à 1,5 million, alors que l'étude faite par le Forum des chefs d'entreprise évoque le chiffre de 1,7 million de travailleurs informels. "Entre 3 et 6 milliards de dollars échappent au fisc, en terme de cotisations sociales, TAP, TVA, IRG…et ce, sans parler de la parafiscalité", a-t-il indiqué. Par ailleurs, M. Bendjaber, durant son intervention, a plaidé non pas en tant que président de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie, mais en son nom, pour l'intégration des entreprises activant dans le secteur informel et les faire regagner la sphère légale. Et pour ce faire, M. Bendjaber a appelé les autorités concernées à prendre des mesures "incitatives et courageuses", à savoir un moratoire fiscal d'une durée de 3 ans touchant les entreprises activant dans le formel et l'informel. Il a également appelé à la suppression de la TAP et de trouver d'autres ressources de financement pour les collectivités locales. Il proposera à cet effet, l'imposition sur le tabac. Par ailleurs, M. Bendjaber a trouvé que la pénalité relative au retard de paiement d'impôts estimée à 25% sur une entreprise créatrice de richesses et d'emplois, est excessive. Hamid Mohandi