L'annonce faite par l'Union européenne de réduire de 13 % sa production de sucre n'a pas tardé à chambouler le marché, que ce soit au niveau de l'UE ou sur le marché mondial en général. Les prix du sucre blanc ont grimpé , ce qui risque de se répercuter sur d'autres produits fabriqués à base de sucre. C'est le cas des boissons (gazeuses, jus, sodas). En Europe, on devrait donc déboucher sur une véritable redistribution des cartes sur le marché du sucre, avec une concentration de la production sucrière dans trois pays (France, Allemagne, Pologne), tandis que l'Union est dans l'obligation de soutenir des programmes de diversification et de développement dans plusieurs des pays membres. Entre baisse des prix, réduction des quotas, forte baisse des subventions à l'exportation, la réforme sucrière n'arrive pas à décoller en Europe. Réformer profondément la politique du sucre au sein de l'UE, la seule à être restée quasi inchangée depuis sa création, en 1968 s'annonce difficile. Elle pourrait entrer en vigueur dans un an, peut être plus, puisqu'elle doit être auparavant approuvée par Bruxelles en Conseil des ministres, à la majorité qualifiée. Ce qui veut dire que la situation risque de perdurer et l'arrêt des fluctuations du marché n'est pas pour demain. Le système de protectionnisme qu'entretient l'Europe depuis longtemps est, aujourd'hui, au bord de l'explosion, en raison de la pression des pays du Sud. En 2002, il a été attaqué par l'Australie, le Brésil et la Thaïlande devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui rendra son verdict en automne. L'Europe a recours, en permanence, à une clause de sauvegarde agricole admise par l'OMC pour se protéger des importations brésiliennes, mais son usage ne pourra pas durer éternellement. Enfin, en vertu d'un accord intitulé "Tout sauf les armes", signé en 2001 par le commissaire au commerce Pascal Lamy, les cinquante pays les moins avancés de la planète (PMA) pourront, à partir de janvier 2008, écouler leur sucre en Europe sans droits de douane ni contingent. Pour éviter l'effondrement du système, la Commission estime qu'il faut libéraliser en partie le marché et rendre les sucriers européens plus compétitifs. C'est d'ailleurs pour ça que l'UE propose de réduire d'un tiers sur trois ans le prix de la tonne de sucre, qui tombera à 421 euros lors de la campagne 2007-2008. Par ailleurs , sur le marché national les prix des boissons peuvent faire l'objet de revalorisation si le prix du sucre est maintenu à la hausse. Les professionnels de la boisson auront, à coup sûr, une réaction qui ne peut que s'inscrire dans la logique de celle des industriels de la filière lait qui réclament une augmentation des prix du sachet de lait après une flambée des cours de la matière première (poudre de lait) sur le marché international. Autrement dit, les conséquences de cette flambée des cours du sucre sur le marché national, particulièrement celui de la boisson, risquent d'avoir un effet plus "dévastateur" dans la mesure où une pénurie est déjà annoncée bien avant la hausse des prix du sucre sur le marché mondial et la réduction de la production de l'UE. En effet, en Algérie, une semaine après le début de l'opération de vente des marchandises dans le cadre du système de quotas exonérés des taxes douanières, adopté l'année dernière après la signature de l'accord d'association avec l'Union européenne (UE), n'en est suivie touchant certains produits comme le blé et le sucre. Selon les chiffres avancés par les douanes sur les marchandises inscrites dans le cadre du système des quotas, la quantité de sucre importée s'est épuisée à 87% dans la première semaine du mois de janvier. La consommation devait se faire d'une façon graduelle et durant toute l'année, alors que 130 000 tonnes ont été importées sur un ensemble de 150 000 tonnes de sucre. Ce qui donne une idée sur la spéculation exercée par certains commerçants ayant stocké de grandes quantités de certains produits, en particulier le sucre. Quoi qu'il en soit, la flambée des cours de tous ces produits, que ce soit le lait, le sucre ou encore le café, confirme de manière explicite la tendance mondiale selon laquelle le marché des matières agricoles est bel et bien soumis désormais aux phénomènes de la spéculation, le niveau des prix n'étant plus en fonction de l'offre et de la demande.