L'OMC doit transmettreen fin de semaine son rapport préliminaire sur la plainte déposée en 2005 par les Etats-Unis contre les aides publiques accordées à Airbus.Après quatre ans de travaux, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) doit remettre cette semaine aux autorités américaines et européennes son rapport préliminaire sur les aides publiques accordées à Airbus suite à une plainte déposée en 2005 par Washington. Les deux parties auront alors six mois pour répondre, avant la décision définitive qui sera rendue, en principe, au printemps 2010. Mais elle est susceptible d'appel. Parallèlement, un second rapport sera adressé par l'OMC suite à la plainte de l'Union européenne contre les subventions gouvernementales dont bénéficie Boeing. "Les deux plaintes et les deux affaires vont se chevaucher, explique un proche d'Airbus. Compte tenu des appels, nous en avons encore pour trois ans." Il n'empêche, cette étape est importante. Elle témoigne de la guerre sans merci qui oppose Airbus à Boeing sur le terrain des commandes mais aussi sur celui de la chasse aux aides publiques reçues par le rival au motif qu'elles faussent la concurrence. Chaque camp, soutenu par un bataillon d'avocats, conteste leur légalité. Pourtant, ces aides ont toujours existé. Elles sont même cruciales, car aucun des deux constructeurs n'a les moyens d'assumer seul le financement de ses futurs programmes. Cet été, au grand dam de Boeing, Airbus a quasiment bouclé la partie publique du financement de son futur long-courrier, l'A 350 XWB. Les Etats européens apporteront au constructeur européen 2,5 milliards d'euros sous forme d'emprunts remboursables sur un total de 11 milliards d'euros. La France lui accordera 1,4 milliard, l'Allemagne 1,1 milliard, la Grande-Bretagne 400 millions. Quant à l'Espagne, elle devrait sous peu faire connaître sa décision et apporter environ 300 millions d'euros. Au total, le poids du financement public d'un programme ne peut excéder 33 % de son coût total. C'est ce que stipulait l'accord bilatéral signé en 1992 entre les Etats-Unis et l'Union européenne sur l'encadrement des aides publiques. À l'époque, Boeing était tout-puissant et contrôlait près de 70 % du marché des appareils de plus de 110 places. En 2004, il a dénoncé de façon unilatérale l'accord de 1992. La situation avait radicalement changé. Boeing a été rattrapé par Airbus qui, en 2005, lui a ravi la couronne de numéro un leader mondial. Pire, le constructeur européen s'est attaqué au B 747, la vache à lait de l'américain, en lançant un superjumbo, l'A 380. Les discussions engagées pour trouver un nouveau compromis sur les aides ont tourné au vinaigre, et le différend a été porté devant l'OMC. Deux procédures ont été ouvertes. La bataille des chiffres s'est envenimée. Boeing accuse Airbus d'avoir reçu indûment 205 milliards de dollars d'aides, soit plus de 18 fois l'actif net du constructeur. Airbus accuse Boeing d'avoir engrangé 23 milliards de dollars de subvention, ce qui paraît plus réaliste. Mais en prenant la même méthode de calcul de Boeing, ce serait 305 milliards. Des sommes qui donnent le tournis. Petite subtilité, on ne parle pas de la même chose des deux côtés de l'Atlantique. Boeing reçoit des aides via la Nasa et le Pentagone mais aussi sous formes de réductions de taxe de la part des Etats américains. En Europe, Airbus reçoit l'aide publique sous forme de prêts remboursables. Il assure qu'il a remboursé, depuis 1992, 40 % de plus que les montants reçus, ce qui représente un gain net pour les Etats de 7 milliards d'euros (près de 9 milliards de dollars). "Chaque année Airbus rembourse au rythme de 300 à 400 millions d'euros", explique-t-on chez Airbus. Que va faire l'OMC ? Il est probable qu'elle critique certaines aides chez les deux avionneurs et qu'elle les incite à retourner à la table des négociations. D'autant que le monde a changé. Des pans entiers de l'industrie - les banques mais aussi l'automobile notamment - ont reçu des milliards de dollars d'aides publiques pour ne pas sombrer dans le sillage de la crise financière. "Ces plaintes devant l'OMC n'ont plus aucun sens ", souligne un observateur.