L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a relevé de 500.000 barils par jour ses prévisions de demande mondiale de brut pour 2009 et 2010, compte tenu des dernières données de l'OCDE plus élevées qu'anticipé. L'AIE, dans son rapport mensuel, estime que la consommation de fioul sera plus forte que prévu précédemment en Amérique du Nord et en Asie, les Etats-Unis et la Chine étant les deux plus gros consommateurs de pétrole du monde. La Chine, locomotive de la croissance de la demande mondiale d'or noir, a vu sa production industrielle progresser de 12,3% en août sur un an. Après la publication de cet indicateur, parmi d'autres illustrant l'impact du plan de relance, le gouvernement a affirmé être sur la bonne voie pour réaliser son objectif de 8% de croissance économique en 2009. L'AIE table donc désormais sur une consommation de 84,4 millions de barils par jour cette année et de 85,7 millions de barils par jour en 2010. La demande de pétrole devrait ainsi être 2,2% moins élevée en 2009 que l'an passé, contre -2,7% lors de la précédente estimation. "L'économie mondiale se stabilise mais la demande de l'OCDE devrait rester faible pour le restant de cette année, tandis qu'une demande apparemment forte dans les pays non-OCDE pourrait être assombrie par la constitution de stocks en Chine", écrit l'AIE. Ce rapport de l'AIE confirme le consensus du marché pétrolier, commente Harry Tchilinguirian, analyste spécialisé chez BNP Paribas. "L'essentiel, c'est que nous assistons à une contraction de plus de 2% de la consommation cette année, mais que la demande va repartir quand nous aurons une croissance économique positive en 2010", résume-t-il. Les stocks pétroliers dans les pays de l'OCDE sont restés inchangés et représentaient 61,8 jours de couverture à la fin juillet, soit une hausse de 4,6% par rapport à leur niveau d'il y a un an. David Fyfe, directeur de la division Industrie pétrolière et marchés à l'AIE, a précisé que le niveau de couverture des stocks était inhabituellement élevé mais qu'il devait être interprété dans le contexte de la forte récession économique enregistrée. L'offre en produits distillés tels que le fioul domestique et le diesel est élevée et l'AIE indique que l'évolution des prix pétroliers dépendra en partie de la durée de l'abondance de cette offre, ces produits étant fortement corrélés à l'activité économique. Notons néanmoins que les prix du pétrole ont chuté vendredi, repassant sous les 70 dollars le baril à New York, sur des prises de bénéfices après quatre séances d'affilée de hausse. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" pour livraison en octobre a terminé à 69,29 dollars, en recul de 2,65 dollars par rapport à la clôture de jeudi. A Londres, sur l'InterContinentalExchange, le baril de Brent de la mer du Nord à échéance identique a chuté de 2,17 dollars à 67,69 dollars. Après une première partie de journée hésitante, les cours "ont été très durement frappés" en fin de séance, a relevé Andy Lipow, de Lipow Oil Associates. Le baril a ainsi effacé l'essentiel des gains accumulés sur les quatre séances précédentes (environ quatre dollars). "Je ne vois pas de raison particulière, c'est juste une vague de prises de bénéfices", a estimé l'analyste. Les prix "étaient montés au-dessus de 72 dollars, et certains avaient déjà les 75 dollars en ligne de mire. Comme on n'y est pas arrivé, ils se sont mis à vendre", a-t-il expliqué. "On voit quelques prises de bénéfices avant le week-end", a jugé Phil Flynn, de PFG Best Research, notant que le marché pétrolier avait connu "une semaine impressionnante" auparavant. "On est sorti de la saison de forte consommation d'essence (avec les vacances estivales, ndlr), cela va affecter la demande aux Etats-Unis, on n'est pas encore dans la période de consommation de fioul de chauffage, et on a toujours des stocks très élevés", a ajouté M. Lipow. Les statistiques hebdomadaires diffusées jeudi par le département américain de l'Energie ont montré un fort recul des réserves de brut aux Etats-Unis la semaine dernière, mais celles d'essence et de produits distillés ont connu des progressions massives. Ces stocks restent à des niveaux bien supérieurs à la moyenne de ces dernières années. "Je ne vois pas les prix du pétrole revenir sous 60 dollars", a avancé Andy Lipow. "On a des statistiques économiques meilleures que prévu dans le monde entier et la demande augmente en Chine. La demande mondiale se stabilise et au fur et à mesure que l'on avance on va avoir des progressions."Toutefois, bien que les prix restent soutenus par l'appétit des investisseurs spéculatifs pour les matières premières, de gros nuages continuent à planer sur le marché en termes d'offre et de demande, avec le risque de voir rechuter les cours. Premier motif d'inquiétude, le niveau des stocks demeure très élevé aux Etats-Unis et, plus généralement, dans les pays de l'OCDE. L'ampleur de ces stocks "présente le risque évident que les prix du pétrole ne baissent cet hiver", estime Francisco Blanch, analyste chez Merrill Lynch. Deuxième facteur de nature à affaiblir les prix, la différence empochée par les raffineurs entre le prix d'achat du brut et le prix de vente des produits raffinés (dite marge de raffinage ou "craquage") est actuellement très faible. Cela devrait inciter les raffineurs à produire moins et puiser dans leurs stocks, très abondants. De ce fait, les prix pourraient rechuter jusqu'à 50 dollars le baril, estime Torbjorn Kjus, analyste chez DBN Nor. S.G.