Alors que les cours du brut ont entamé un mouvement de recul cette semaine, dans les pays consommateurs on s'obstine à évoquer les menaces que pourrait provoquer une remontée des cours du brut sur la reprise économique en 2010.Selon certains analystes, le pétrole a déjà doublé depuis décembre 2009 ; or une flambée des prix du baril semblable à l'été 2008 pourrait rendre plus difficile, voire " plomber " la sortie de crise. Ils estiment que la demande de pétrole est étroitement liée à la croissance économique mondiale et l'analyse actuelle du marché du pétrole semble indiquer qu'une reprise de la demande (même de force moyenne) risque de provoquer de fortes tensions sur les prix pour plusieurs raisons. Premièrement, l'offre de pétrole mondiale est soumise à une double compression de l'offre: la compression de l'offre des pays de l'OPEP annoncée au deuxième semestre 2008, et toujours maintenue aux dernières réunions, et la compression de l'offre des pays non-OPEP décidée par les compagnies pétrolières qui refusent d'utiliser des gisements non rentables. En effet, la hausse des prix du baril avait fortement augmenté les investissements dans la recherche et la production de nouveaux gisements plus coûteux, avec un coût du baril rentable à plus de 100$ le baril. La baisse des prix du pétrole a tout simplement stoppé ces investissements car, avec le prix actuel, la vente de ces barils serait une perte. Deuxièmement, et malgré la double compression, l'offre reste supérieure à la demande. Il faut noter que depuis le début de la crise, l'offre n'a fait que poursuivre la chute de la demande sans jamais la devancer. Or, si la chute de l'offre est inférieure à la chute de la demande, alors le prix ne peut être que ralenti dans sa baisse. Pour que les prix remontent, il faut que la chute de l'offre soit au moins équivalente à celle de la demande, ou inversement, que la demande se rapproche de l'offre. Donc, dans ce contexte d'annonce de reprise, le bon choix stratégique serait de ne pas toucher son offre et de laisser la demande augmenter car à mesure qu'elle s'approche de l'offre, des tensions s'exercent sur le marché et le prix du baril augmente : c'est d'ailleurs le choix stratégique adopté par l'OPEP à leur dernière réunion. Il faut ajouter à cela que la demande, ou les anticipations de la demande via les contrats à terme, est plus flexible que l'offre. Une gravitation voire un dépassement de l'offre, par la demande pourrait entraîner une flambée rapide des prix du pétrole et soutenue. Pour l'heure, les cours du brut fléchissaient légèrement hier en début d'échanges européens, sous la pression des inquiétudes persistantes sur l'ampleur des stocks mondiaux et d'un renforcement du dollar. A 10H00 GMT (12H00 HEC), le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en novembre cédaient 34 cents par rapport à la clôture de la veille, à 65,20 dollars, sur l'InterContinental Exchange (ICE). A la même heure, le brut léger texan (WTI) pour la même échéance perdait 27 cents à 66,57 dollars sur le New York Mercantile Exchange. Après deux jours de rebond, la progression des cours semblait de nouveau freinée par la quantité écrasante de stocks pétroliers disponibles dans le monde, notamment après l'annonce d'une hausse massive des réserves américaines la semaine dernière. L'état des réserves américaines, dont certaines sont au plus haut depuis 26 ans, sera mis à jour mercredi par le Département américain de l'énergie. Selon les analystes interrogés par Dow Jones Newswires, les stocks de brut pourraient avoir chuté de 400'000 barils la semaine dernière. Les analystes s'attendent en revanche à une hausse des réserves d'essence et de distillats, de 1,1 million de barils (mb) dans les deux cas. Un renforcement du dollar, hier, face à la monnaie unique réduisait également l'attrait de l'or noir auprès des investisseurs. Autre épée de Damoclès sur les cours du pétrole : l'incitation économique à produire est actuellement très faible pour les raffineurs, qui pourraient encore réduire leur activité, c'est à dire consommer moins de pétrole brut. "Les marges de raffinage d'essence ont continué leur glissade lundi, tombant à leur niveau le plus bas depuis 5-9 mois", rapportent ainsi les analystes du cabinet JBC Energy. Par ailleurs, la promesse, même vague, faite la semaine dernière par les dirigeants du G20 "d'éliminer progressivement et de rationaliser à moyen terme les subventions inefficaces aux combustibles fossiles" pourrait à terme réduire la demande de carburants dans les pays émergents, jugent des analystes. "Le pétrole et les autres sources d'énergie sont subventionnés chez les grands pays consommateurs d'Asie et du Moyen-Orient", rappelle le cabinet JBC Energy, notant que ces subventions représentent 56 milliards de dollars pour l'Iran, 51 milliards pour la Russie et 39 millards pour la Chine (chiffres de l'Agence internationale de l'énergie). "Avec de tels chiffres, il est clair qu'une réduction des subventions aura un effet important sur la demande d'énergie, notamment au Moyen-Orient, la région qui subventionne le plus" les carburants, jugent ses experts. S.G