C'est à Guelma, une contrée de l'est doublement symbolique, d'un côté parce que Kateb Yacine était né pas loin (Constantine), et d'un autre parce qu'il était sur le front lors de la grève du 08 mai 45 que se déroulera le colloque international sur l'écrivain algérien d'expression française. Un colloque qui se déroulera du 27 au 30 octobre prochain pour commémorer le vingtième anniversaire de la mort du " Keblouti ".D'éminents professeurs d'universités algériennes et étrangères prendront part à cet évènement hautement littéraire, selon le président de l'Association de promotion du tourisme et des actions culturelles. Ce rendez-vous donnera lieu, à des conférences "en rapport avec la dimension littéraire et la personnalité de Kateb Yacine qui figure parmi les plus grands écrivains contemporains", a précisé Ali Abassi. Ce n'est pas la première fois que des professionnels se rassemblent pour explorer l'œuvre katebienne qui n'est certes pas spécialement prolifique, (kateb a écrit un seul roman, Nedjma et beaucoup de pièces de théâtre), mais très dense. Ponctuellement, des chercheurs se rencontrent à Alger ou ailleurs à l'occasion de dates commémoratives pour revenir sur l'œuvre d'un homme résolument iconoclaste et fondamentalement révolutionnaire. Il y a donc 20 ans, jour pour jour, Kateb Yacine, un des plus grands écrivains algériens d'expression française mourut un 28 octobre 1989 d'une leucémie foudroyante. L'auteur du livre-phare, "Nedjma" s'éteignit à l'âge de 60 ans. Ecrivain résolument tourné vers l'avenir, Kateb Yacine a pratiquement signé une seule œuvre, " Nedjma" dans laquelle il a exprimé sa vision du colonialisme et celle des libertés individuelles et collectives. Le roman qui n'obéit aucunement à une écriture classique, du fait que la trame ne présente ni intrigue ni dénouement, est classé parmi le genre " Nouveau roman", une littérature en vogue vers les années 50 ; notamment avec Tristan Zara et André Breton. Dans son livre, il s'agissait d'aller au-delà du récit lui-même pour explorer l'univers de l'écriture proprement dite. C'est-à-dire que le texte littéraire lui-même et à lui seul, a un sens sans recourir aux significations d'une trame avec des personnages vivant une histoire sur fond de bouleversement. Le livre qui est traduit dans plusieurs langues est jusqu'à ce jour enseigné aussi bien dans les universités étrangères qu'algériennes. Féministe, " le keblouti " s'est toujours rangé du côté des plus faibles. N'a-t-il pas dit à propos du livre de Yamina Mechkara, " La grotte éclatée " qu'il a préfacé, " Une femme qui écrit vaut son pesant d'or " ? Résolument révolutionnaire, l'auteur de "L'homme aux sandales de Caoutchouc", a fait savoir aux Français dans leur propre langue, le refus de tout un peuple pour l'asservissement et l'avilissement. Né le 6 août 1929, à Constantine, Kateb Yacine a très tôt évolué dans un univers poétique et musical, sa mère qui perd la raison après les événements de mai 45, excellait dans cette littérature orale.Entre 1934 et 1935, le jeune Kateb au nom prédestiné -littéralement écrivain- entre à l'école coranique de Sedrata puis à l'école française (à Lafayette Bougaâ en basse Kabylie, l'actuelle dans la wilaya de Sétif) où sa famille s'est installée, puis en 1941, comme interne, au collège Albertini (Sétif) devenus Kerouani après l'indépendance. Il se trouve en classe de troisième quand éclatent les manifestations du 8 mai 1945 auxquelles il participe et qui s'achèvent par le massacre de plus de 40.000 algériens par la police et l'armée françaises. Trois jours plus tard, il est arrêté et détenu durant deux mois. Exclu du lycée, traversant une période d'abattement, plongé dans Baudelaire et Lautréamont, son père l'envoie au lycée de Annaba (ex-Bône). C'est là qu'il vivra un total bouleversement avec la rencontre de " Nedjma " (l'étoile), une cousine déjà mariée avec laquelle il vécut " peut-être huit mois ", confiera-t-il publié dans son premier recueil de poèmes en 1946. Cette rencontre d'un amour impossible va lui servir de prétexte pour dire son amour d'abord pour l'Algérie, la métaphore de Nedjma ensuite pour cet amour déçu. En 1947 Kateb arrive à Paris, " dans la gueule du loup " et prononce en mai, à la Salle des Sociétés savantes, une conférence sur l'Emir Abdelkader, adhère au Parti communiste algérien. Au cours d'un deuxième voyage en France, il publie l'année suivante Nedjma ou le Poème ou le Couteau (" embryon de ce qui allait suivre ") dans la revue " Le Mercure de France ". Rebouh H.