La crise financière et économique mondiale, qui a débuté au milieu de 2007 aux Etats-Unis et a mené aujourd'hui à la première récession planétaire depuis la Deuxième Guerre mondiale, ébranle les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord (MENA) et aggrave les effets de la hausse généralisée des prix des produits de base, qui ont atteint un niveau record au milieu de 2008. Le repli ultérieur des cours du pétrole au second semestre de 2008, et leur stabilisation apparente à la moitié environ du pic enregistré à la mi-2008 ne constituent pas encore pour eux une menace sérieuse, même si une hausse des cours sera nécessaire à certains des pays exportateurs de pétrole non membres du CCG pour atteindre le prix d'équilibre compte tenu de leurs coûts élevés de production. En ce qui concerne les pays non exportateurs de pétrole, l'envolée des prix des carburants a lourdement pesé sur la facture des importations et sur les dépenses budgétaires du fait que la plupart d'entre eux maintiennent des subventions élevées aux carburants. Toute la région a par ailleurs ressenti les effets de l'augmentation des prix alimentaires. Contrairement à ce qui s'était produit lors de flambées antérieures des produits de base, la dernière en date (2003- 2008) les a tous touchés simultanément. Par ailleurs, MENA étant une région largement importatrice de denrées alimentaires, elle a davantage ressenti l'effet inflationniste de l'essor des prix internationaux que d'autres régions, 25 % de l'inflation enregistrée entre décembre 2005 et décembre 2007 étant imputable à cette envolée, soit plus du double du pourcentage de la deuxième région la plus touchée. Une conjoncture mondiale incertaine assombrit les perspectives à court terme de la région MENA compte tenu de la persistance de la crise et de la morosité de la conjoncture économique internationale en 2009 et 2010. La crise risque d'avoir des retombées substantielles sur l'économie réelle de MENA en raison des évolutions négatives ou de l'incertitude du commerce international, des prix du pétrole, du tourisme, des rapatriements de salaires et des conditions de financement international. Le phénomène a été plus visible dans les pays du CCG, qui avaient à la fois attiré des flux à court terme et libéralisé leurs comptes de capital. Etant donné la nécessité pour les pays développés de financer leurs plans de relance, on craint que les obligations qu'ils émettent à cette fin n'évincent les obligations souveraines des pays émergents. Une légère baisse de l'aide publique au développement (APD) est prévue en 2009, ce qui risque de peser sur les facteurs pro-cycliques dans les pays qui en sont tributaires, comme le Yémen, Djibouti et la Cisjordanie et Gaza ; compte tenu de la simultanéité de la crise mondiale, les pays fournisseurs d'APD, frappés par la crise, vont probablement diminuer leur aide au moment même où les pays bénéficiaires auront besoin qu'elle augmente pour mettre en oeuvre des politiques budgétaires anticycliques. Les recettes publiques vont considérablement diminuer du fait que les gouvernements de la zone MENA maintiennent les subventions et les augmentations de salaires promises en 2008 en réponse à la hausse des prix des produits alimentaires et énergétiques, ou qu'ils s'efforcent de financer d'autres mesures de relance pour faire face à la crise financière. Pour de nombreux pays MENA, l'inflation marquera la seule évolution positive en 2009, voire en 2010, ce qui ne suffira pas à empêcher la crise d'avoir de graves retombées sociales. Néanmoins, malgré l'atténuation de l'inflation, les conséquences humaines de la crise seront vraisemblablement lourdes en 2009-2010. D'une part, le ralentissement économique a affaibli la capacité déjà médiocre de la région à créer des emplois dans le secteur privé ; d'autre part, l'Organisation internationale du travail (OIT) prévoit en 2009 une augmentation de 25 % du taux de chômage au Moyen-Orient, et de 13 % en Afrique du Nord par rapport à 2007. Pour tirer parti de la reprise mondiale une fois la crise terminée, les pays MENA devront saisir l'occasion qu'elle offre de supprimer les obstacles infrastructurels et les contraintes institutionnelles qui ont fait obstruction à la croissance régionale pendant des décennies. Le taux de croissance de la région avant la crise était le plus élevé jamais enregistré, mais faisait pâle figure par rapport à ceux d'autres régions. Etant donné les besoins élevés et le faible niveau des investissements actuels, il convient de veiller à ne pas réduire trop brutalement les taux d'investissement de la région MENA par suite de la crise. Nassim I.