La capitale allemande s'est développée moins vite que le reste du pays depuis la moitié des années 1990. Percluse de dettes, frappée par un fort taux de chômage, Berlin relève toutefois la tête grâce au tourisme et aux industries créatives. Elle n'en continue pas moins à décrire fidèlement la réalité de la capitale de la première économie européenne, percluse de dettes (plus de 60 milliards d'euros) mais imbattable en matière de divertissement. Ceux qui prédisaient à Berlin, début 1990, un boom économique et démographique, qui la poserait en rivale de Londres ou Paris, ont péché par optimisme. La ville, dans les années postréunification, connaît certes un rapide développement, alimenté par les investissements publics de mise à niveau des infrastructures et des programmes immobiliers massifs, motivés précisément par la conviction que la ville retrouverait son rang des années 1920. Mais les promoteurs sont vite déçus. La ville va en fait subir un véritable électrochoc économique. " A l'Ouest, de nombreuses usines de fabrication de cigarettes ou de conditionnement de café, par exemple, étaient massivement subventionnées par la RFA. Avec la réunification, ces subsides ont disparu. A l'Est, de nombreuses industries n'étaient absolument compétitives et ont dû fermer ", explique Harmut Mertens, de l'Investitionsbank Berlin. Les grands groupes du DAX, disséminés dans toute l'Allemagne, ne voient pas l'intérêt de déménager vers la nouvelle capitale. La décision de déplacer le siège du gouvernement de Bonn à Berlin, importante symboliquement, n'apporte, concrètement, pas grand-chose. Depuis 1994, le PIB de la ville progresse nettement moins vite que le reste du pays. " Entre 1991 et 2008, la ville a perdu 60 % de ses emplois industriels ", rappelle Harmut Mertens. Comme, en parallèle, l'administration a rationalisé ses effectifs, le taux de chômage reste, encore aujour d'hui, largement supérieur à la moyenne nationale (13,6 % contre 8,1 %). On estime qu'un Berlinois sur cinq dépend de l'aide sociale. " C'est la seule capitale d'Europe dont le PIB par habitant est inférieur à la moyenne nationale ", relève Karl Brenke, de l'institut de conjoncture DIW. Au point que Berlin est parfois qualifiée par les Allemands prospères du sud du pays de " capitale des Hartz IV ", comme on appelle les bénéficiaires des minima sociaux. De nombreux Berlinois, principalement à l'Est, expriment en outre de sérieuses réserves à l'égard du capitalisme, comme en témoigne le succès électoral de la gauche radicale, alliée aux sociaux-démocrates dans le gouvernement régional. Berlin redresse toutefois la tête. Klaus Wowereit a tout fait pour séduire les touristes. La ville abrite deux parcs technologiques florissants. Elle attire de nombreuses petites structures de l'" industrie de la création " : design, publicité, édition, médias… Et elle affiche, dans la crise, un profil défensif, grâce à sa pharmacie et son industrie agroalimentaire. Le nouvel aéroport, qui devrait entrer en service en 2011, devrait aussi pousser la croissance. Mais Berlin ne semble pas pouvoir devenir, à un horizon raisonnable, la grande métropole rêvée au début des années 1990. Comme l'explique Wolfgang Tiefensee, le ministre des Transports (SPD) du cabinet Merkel I, également en charge des Länder de l'Est : " A l'inverse du Royaume-Uni ou de la France, notre pays est organisé de manière décentralisée. C'est le fédéralisme qui veut ça. Nous avons plusieurs centres. Et cela présente des avantages : cela favorise la flexibilité et la concurrence au sein du pays." Les barons régionaux de Hesse, de Bavière, du Bade-Wurtemberg, veillent en outre jalousement sur les intérêts économiques de leurs métropoles régionales.