L'exposition " Un siècle d'histoire culturelle des Maghrébins en France " est intéressante à bien des égards. Elle souffre d'une lecture trop linéaire et de l'absence de quelques figures majeures. La nouvelle exposition temporaire de la Cité de l'immigration s'intéresse à l'histoire culturelle des Maghrébins. Séquencée en six espaces à la chronologie linéaire (fin XIXe-1914 ; 1914-1918 ; 1918-1945 ; 1945-1962 ; 1962-1983 et enfin 1983-…), elle affiche de grandes figures qui ont marqué la musique, la littérature et même le sport (tout est culturel, non ?) en resituant avec minutie chaque période dans son contexte historique, social et politique, à grand renfort d'agrandissements de photos, d'affiches, d'extraits de films documentaires appartenant à l'INA ou encore l'ECPAD (le centre d'archives audiovisuelles du ministère de la Défense), de phrases d'écrivains (Mohamed Dib, Kateb Yacine, Mohamed Kacimi…) qui ponctuent ce parcours plutôt riche. On y croise quelques sportifs (l'incontournable Mimoun) ; le cirque Amar fondé par Ahmed Ben Amar à Sétif en 1860 et dont le succès en France et dans le monde ne cessera qu'en 1968. Quel bonheur de voir et entendre Reinette l'Oranaise, accompagnée du grand pianiste Mustapha Skandrani, ou encore Hadj El Anka, Slimane Azem et sa Carte de résidence aujourd'hui repris par Origines contrôlées, Idir, dans un scopitone de 1976 interpréter zwits rwits. On y aperçoit la belle figure de Noura, première star féminine maghrébine qui a chanté l'exil, l'amour et obtenu un disque d'or en 1971 (avec Slimane Azem). On retrouve avec émotion Lili Boniche, avec amusement un Enrico Macias tout jeunot. Au mur, quelques pochettes de disques permettent de survoler la production musicale des années cinquante, soixante et soixante-dix. Ces artistes se produisaient dans les cafés de la Goutte-d'Or mais cette ambiance là est totalement absente de l'exposition. Or s'il y a bien un lieu où les chansons circulaient, c'était dans ces cafés où les hommes se retrouvaient, oubliant, le temps d'une mélodie, la douleur de l'exil et la solitude. Cette richesse, ce foisonnement, s'entendent mal. L'exposition se perd dans un parcours chronologique historique tellement balisé qu'il finit par étouffer les voix multiples des artistes. Si elle se fait diserte sur le chaâbi, elle est beaucoup moins expansive sur le raï, le rock ou encore le rap de la deuxième, troisième génération. Certes, l'affiche de Carte de Séjour figure en bonne place mais point de Rachid Taha en solo alors que son album Dîwan, en 1998, reprend des standards chaâbi de Dahmane El Harrachi (Ya Rayah connaît un succès planétaire), de Hadj El Anka, ou encore de Farid El Atrache. Taha, comme les Zebda, revendique cet héritage-là, celui de la musique maghrébine et du rock, de Cheikha Rimitti et des Stones. Point de Khaled ni de Matoub Lounes, ou même des Djurdjura qui, à l'aube des années 1980, ont connu un succès important. À partir de 1983, l'exposition se fait succincte. Oubli ou crainte d'interroger un pays, la France, en peine avec la diversité musicale d'où qu'elle vienne ?