La présidente philippine Gloria Macapagal Arroyo a placé deux provinces et une ville du sud de l'archipel en état d'urgence, au lendemain d'un massacre lié à des rivalités politiques. Il s'agit du pire acte de violence jamais commis aux Philippines dans le contexte pourtant toujours troublé des périodes pré-électorales. Vingt-quatre cadavres ont été retrouvés par l'armée, enfouis à la hâte dans une zone montagneuse reculée de la province de Maguindanao après l'enlèvement d'une quarantaine de personnes qui allaient déposer la candidature d'un homme au poste de gouverneur de la province en vue des élections de mai 2010. "Nous devrions retrouver d'autres corps aujourd'hui", a prévenu le lieutenant-colonel Romeo Brawner, porte-parole de l'armée. Un photographe de Reuters a pu voir sur place les cadavres de 14 femmes et huit hommes, portant des traces de balles et de coups de machette. Certains hommes tués avaient les mains liées derrière le dos et l'une des femmes était enceinte. Huit journalistes locaux figurent parmi les victimes. Ce massacre paraît lié à des rivalités politiques, alors qu'a débuté, la semaine passée, l'enregistrement des candidatures pour les élections générales du 10 mai 2010. Près de 18.000 sièges sont à pourvoir aux niveau national et local. La présidente Arroyo a proclamé un état d'urgence d'une durée indéterminée dans les provinces de Maguindanao et de Sultan Kudarat, ainsi que dans la ville de Cotabato, pour "empêcher que se reproduisent des cas de violences". Les militaires et policiers auront ainsi des pouvoirs étendus en matière d'interpellation et de détention. La présidente philippine, qui a également ordonné l'envoi de renforts dans la région et limogé le chef de la police de la province de Maguindanao, a enjoint aux principaux responsables des forces de sécurité de superviser personnellement l'arrestation des responsables de ces exactions. Le ministre de l'Intérieur, Ronaldo Puno, a promis de boucler l'enquête en quelques jours. "Nous avons des noms précis, concernant non seulement ceux qui ont ordonné cet acte, mais aussi ceux qui l'ont commis", a-t-il dit. Une des victimes, Genalyn Tiamzon-Mangudadatu, est l'épouse d'un candidat au poste de gouverneur de Maguindanao, occupé depuis trois mandats consécutifs par Datu Andal Ampatuan, chef d'une puissante famille locale. Ampatuan, dont la ville proche du lieu du massacre porte le nom de son clan, a été élu à trois reprises sans opposition. Il a démissionné de ses fonctions cette année, pour contourner sans doute les règles en matière de limitation du cumul des mandats. L'un de ses fils est gouverneur de la région autonome musulmane de Mindanao, qui couvre six provinces, et la famille est une alliée politique de Gloria Arroyo. Aucun membre du clan n'a fait de commentaire dans les médias. Esmael Mangudadatu, le mari de Genalyn, a déclaré à une station de radio que quatre personnes avaient échappé aux agresseurs et se trouvaient sous sa protection. Le sud des Philippines est secoué par des rébellions communiste et islamiste et des rivalités claniques, dont celle qui oppose les Ampatuans aux Mangudadatus. De nombreux hommes politiques et responsables élus de la région entretiennent des armées privées bien équipée