Le risque de défaut sur les obligations des Etats est désormais plus élevé que celui sur les titres de dette des sociétés. Entre 2009 et 2010, l'endettement de la majorité des pays développés va littéralement s'envoler. La dette moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui représentait 73,1% du PIB en 2007, devrait atteindre les 100% d'ici 2011. En clair, la dette moyenne des pays de l'OCDE équivaudra alors à la production totale de la richesse d'un pays. La situation est variable selon les Etats, mais les pays développés sont les plus touchés. Le Japon verra son endettement bondir de 167% à 204%. La France devrait passer de 70% à 99% et la Grèce de 103% à 130%. Même l'Allemagne, un modèle de vertu budgétaire, verra sa dette augmenter de 65% à 85,5% du PIB. C'est bien au-delà de la barre des 60% fixée par Maastricht. Pour combler leurs déficits, les Etats empruntent. Mais le marché pourra-t-il absorber tous les titres de dette émis par les Etats ? Ces derniers pourront-ils ensuite honorer leurs engagements ? Imaginons le pire : des pays surendettés n'arrivent plus à écouler leurs émissions de bons du Trésor, ou alors seulement à des taux prohibitifs… ce qui ne fait qu'alourdir encore plus le poids de la dette. Et en début de semaine, et selon les indices Markit, les investisseurs devaient payer 63.000 dollars pour assurer l'achat de 10 millions de dollars de titres de dette d'une entreprise avec une échéance 5 ans. A comparer avec les 71,500 dollars à débourser pour un investissement de même somme en obligations d'Etat, rapporte le Financial Times. Normalement, l'inverse prévaut. La crise a tout changé. Depuis fin 2008, les Etats se sont endettés jusqu'au cou afin de financer les plans de sauvetages à destination de pans entiers de l'économie. Dans le même temps, les entreprises, elles, sont progressivement revenues sur le marché du crédit. En bien meilleure forme qu'auparavant. Elles ont assaini leur bilan à coup de restructurations, ont maîtrisé leurs coûts. Résultat, le risque attaché à leurs obligations a commencé à baisser, jusqu'à passer en dessous de celui lié aux titres de dettes d'Etat. La situation présente est paradoxale. Un Etat ne peut théoriquement pas faire faillite, contrairement à une entreprise. Pour un investisseur, il représente le risque zéro. Mais les niveaux de dette publique record ont changé la donne. "Le risque attaché aux obligations d'Etat ne reflète pas la probabilité de non remboursement mais la capacité de l'Etat à réduire sa dette à l'avenir", explique Jérôme Broustra, responsable adjoint de la gestion obligataire euro chez Axa IM. Plus les Etats émettent de dette, plus les taux d'intérêt ont tendance à augmenter. Du coup, les obligations déjà sur le marché, rétribuées à un taux inférieur, perdent de la valeur. C'est bien ce risque qui augmente, selon les investisseurs. Ce danger serait toutefois surévalué par le marché. "Un investisseur exige plus de garantie sur l'Espagne que sur Telefonica, l'équivalent ibérique de France Télécom, qui est pourtant moins bien noté", s'étonne Jérôme Broustra. De même, le marché se demande si des Etats comme l'Allemagne pourraient être moins bien lotis que les banques… qu'ils ont sauvé l'année dernière ! Aussi, la capacité d'absorption du marché devrait être suffisante. Certes, la dette publique totale émise dans la zone euro devrait culminer à 1.000 milliards d'euros en 2010, contre 650 milliards en 2008. Mais les investisseurs ne seront pas rassasiés. "Le secteur privé est en phase de désendettement, donc les investisseurs se retrouvent avec des liquidités à placer et se tournent vers la dette souveraine", relève Olivier Gasnier, économiste chez Société Générale CIB.