Le Parlement européen a opposé son veto à un accord entre l'Union européenne et les Etats-Unis, autorisant un transfert de données bancaires via le réseau SWIFT, privant l'accord d'effet juridique. Les députés européens ont par contre proposé de négocier un nouveau texte. La résolution rejetant l'accord a été approuvée par 378 votes pour, 196 contre et 31 abstentions. Elle appelle également la Commission et le Conseil à commencer les travaux pour un accord de long terme avec les Etats-Unis sur le sujet. SWIFT, la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication, facilite des milliards de dollars dans les transactions financières à travers le monde chaque jour. L'année dernière, il y a eu un changement dans la structure de SWIFT, la société ayant développé un centre de stockage de ses données européennes en Suisse, afin de garantir que les données intra- européennes soient stockées en Europe, alors qu'elles étaient auparavant dupliquées sur un serveur aux Etats-Unis. Cette nouvelle architecture requérait la négociation d'un nouvel accord entre la Commission et le Conseil d'une part, les Etats-Unis de l'autre. Le Parlement européen était invité pour la première fois à donner son avis conforme sur un accord international en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, depuis le 1er décembre, par le Traité de Lisbonne. Le Parti populaire européen (PPE, centre-droit), partagé sur la décision à prendre, avait auparavant demandé un report du vote jusqu'en mars pour continuer les discussions avec les gouvernements des Vingt-Sept afin de trouver un compromis. La proposition a été rejetée. Les eurodéputés ont manifesté leur opposition sur le fond, estimant que le texte violait les principes du droit européen sur la protection des données, mais aussi sur la forme, Bruxelles et Washington ayant négocié le texte sans les consulter. "Ce parlement a raison de mettre sur le même plan sécurité et liberté. L'un ne peut pas aller sans l'autre", a reconnu le président du PPE Joseph Daul dont les deux tiers du groupe devaient pourtant soutenir l'accord. C'était le cas des Français mais ni des Allemands ni des Autrichiens. Aussi, les députés européens ont souligné que tout nouvel accord devrait satisfaire aux critères du Traité de Lisbonne, en particulier la Charte des droits fondamentaux. Ils ont demandé que l'accord respecte pleinement les droits des citoyens européens en matière de protection des données personnelles, et que les données ne doivent être collectées qu'"aux fins de la lutte contre le terrorisme" et qu'un "juste équilibre" doit être trouvé entre les mesures de sécurité et la protection des libertés civiles. Selon le rapporteur du Parlement européen, Jeanine Hennis- Plasschaert, l'utilisation des données financières pour lutter contre le terrorisme est nécessaire, mais en matière de protection des données, "le Conseil n'a pas été suffisamment fort". Elle a par ailleurs regretté que l'UE "continue à externaliser ses services de sécurité aux Etats-Unis sans réciprocité", tandis que les normes de transfert et de stockage prévues par l'accord intérimaire ne sont pas proportionnées. L'UE et les Etats-Unis disposent d'un autre outil pour partager les données financières à des fins antiterroristes : un accord d'assistance judiciaire mutuelle permet de tels échanges, dans le cadre des législations nationales en matière de protection des données. La Commission européenne a annoncé mercredi qu'elle proposerait des lignes directrices pour un mandat de négociation sur un accord de long terme "dans les prochaines semaines". Celles- ci viseront à veiller "au meilleur respect de la vie privée et de la protection des données". Aussi, l'accord intérimaire signé pour la période du 1er février au 31 octobre 2010 devait permettre à Washington de conserver un droit d'accès aux données du réseau Swift, une société de messagerie financière utilisée par quelque 8.300 organismes dans 208 pays. Un précédent accord, qui avait été négocié après les attentats du 11 septembre 2001 pour lutter contre le financement du terrorisme, est devenu caduc en raison d'une modification dans la structure du réseau Swift. Washington devrait désormais passer par ses accords d'entraide judiciaire avec les Etats européens pour obtenir des informations qu'il pouvait obtenir sans contrôle dans le cadre de l'accord Swift.