Jusqu'à une époque très récente, on a considéré le gaz comme un produit annexe de l'exploration/production pétrolière classique. Difficile à transporter et à manipuler, il a été relégué au second plan au bénéfice du pétrole lequel est considéré comme la ressource d'énergie la plus efficiente et la plus pratique à l'usage. Or, l'ampleur qu'a pris le débat sur le pic pétrolier et le début de l'épuisement des pétroles légers de surface pousse aujourd'hui à reconsidérer les potentialités du gaz sous toutes ses formes. L'essor du gaz a commencé par la construction et la mise en place d'un réseau de gazoducs entre les zones de production et celles de consommation pour que son utilisation décolle vraiment. Encore fallait il qu'il y ait continuité territoriale entre pays producteurs et consommateurs. Il a fallu le développement des usines de liquéfaction de gaz et des méthaniers spécialisés dans les transports de gaz pour qu'une seconde filière d'approvisionnement en gaz se mette en place. Mais aujourd'hui une nouvelle filière, de développement de cette énergie est en train de se développer à vue d'œil, celle des gaz non conventionnels. Ce sont des gaz connus comme le grisou présent dans toutes les mines de charbon ou encore de gaz de schistes, présent à faible densité dans ce type de roche ou encore de "tight gas", gaz compact, présent dans de petits réservoirs difficiles d'accès. Par opposition aux énormes gisements de gaz du moyen orient facilement accessibles et de très grande capacité qui en rendent l'exploitation peu coûteuse, tout au moins pour l'amener à la surface. On en trouve en différents endroits, aux États Unis mais aussi au Kazakhstan, au Canada, au Venezuela et en d'autres parties du globe. Ce sont en général des petits producteurs qui se sont lancés dans l'exploitation de ces petits gisements qui étaient plus à la portée de leurs capacités techniques et financières et de leur culture entrepreneuriale que les méga gisements du golfe et les méga projets des compagnies multinationales. C'est l'amélioration des techniques de forage qui en a permis l'exploitation. Le forage horizontal en particulier et la fracturation hydraulique des roches qui permet de mettre en place à partir d'un premier forage tout un réseau de points de récupération du gaz dans la roche qui a rendu possible le développement de la production de ce gaz non conventionnel en particulier aux Etats-Unis avec l'émergence de ces petits producteurs comme Cheaspeake ou XTO energy. La production de ce type de gaz est devenue une proportion très importante de la production totale de gaz américaine qui était sur le déclin. Elle a été la cause d'une forte baisse du prix du gaz dans le pays et a affecté de ce fait la rentabilité des mégaprojets du Golfe persique et de leur usines de liquéfaction très coûteuses. La réaction des multinationales a été rapide. C'est ce qui explique l'OPA récente lancée par ExxonMobil sur XTO Energy aux Etats-Unis à un prix de 41 milliards de dollars!! C'est ce qui explique également le rachat de participation dans tel ou tel gisement non conventionnel par BP ou le norvégien StatoilHydro. C'est le cas également de Total qui vient d'annoncer le rachat à Cheasapeake d'une participation de 25 % dans le gisement non conventionnel des Barnett Shales qui leur appartient pour un montant de 2.25 milliards de dollars. Le but étant de reproduire cette technique d'exploration dans le reste du monde... Aussi, les inquiétudes à propos de la menace que représentent les gaz non conventionnels ne cessent de grandir, chez les grands producteurs de gaz naturel. L'Algérie et la Russie affichent certaines appréhensions. C'est dans ce contexte justement que le géant russe Gazprom s'est dit inquiet de perdre des marchés à cause de la hausse inattendue de la production gazière aux Etats-Unis, favorisée par de nouvelles techniques d'extraction. Aussi, le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil, a affirmé, récemment, dans un entretien accordé au journal jordanien "El Sabil", que les contrats d'exportation de gaz naturel à long terme des pays producteurs "sont confrontés à une réelle menace" et que le Forum des pays exportateurs de gaz (Fpeg) devrait réagir aux mutations du marché gazier mondial. M. Khelil a expliqué que le marché mondial du gaz a connu de grands changements en une courte période, ajoutant qu'actuellement, ''l'offre dépasse la demande et les prix du gaz dans les marchés des contrats spot et à terme ont reculé à de faibles niveaux, et une menace réelle existe pour les contrats d'exportation de gaz à long terme". Il convient de signaler que le gaz non conventionnel représente à peine 4 % des réserves mondiales de gaz, selon les estimations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Mais il a assuré 12 % des volumes produits dans le monde l'an dernier. En 2030, le gaz non conventionnel devrait représenter près de 60 % de la production américaine de gaz, contre à peine 30% en 2000, selon l'AIE. Depuis 1990, la production de ce type de gaz a quasiment été multipliée par 4 aux Etats-Unis, pour atteindre 300 milliards de mètres cubes l'an dernier. Soit plus de la moitié des volumes extraits du sous-sol américain.