Le Niger est désormais dirigé par le chef d'escadron Salou Djibo, à la tête d'un Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, ont annoncé hier les soldats putschistes. Après avoir enlevé le président Mamadou Tandja jeudi, ils ont suspendu la Constitution et dissout les institutions républicaines de ce pays riche en uranium. La junte a précisé que le gouvernement serait géré par les responsables ministériels et régionaux, jusqu'à ce qu'un nouvel exécutif soit formé. On ignorait hier où se trouvait le président Tandja, mais le porte-parole du département d'Etat américain, P. J. Crowley, a estimé qu'il s'était peut-être attiré ces ennuis en "tentant de se maintenir au pouvoir" et a rappelé que les Etats-Unis et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) s'étaient inquiétés de cette situation. Il a toutefois ajouté que son pays ne défendait pas un coup d'Etat par la violence. Après plusieurs mois de crise politique, des soldats mutins se sont attaqués jeudi au palais présidentiel, faisant plusieurs morts et blessés. Un conseil militaire a annoncé la suspension de la Constitution, tandis que le président Tandja aurait été "emmené" vers un lieu inconnu. "Le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSDR), dont je suis le porte-parole, a décidé de suspendre la Constitution de la sixième république et de dissoudre toutes les institutions qui en sont issues", a déclaré dans la soirée de jeudi le colonel Goukoye Abdoulkarim sur les ondes de la radio d'Etat. Il a aussi indiqué que tous les traités signés par le pays seraient respectés et a demandé à la communauté internationale de faire confiance aux mutins. Sur les images à la télévision, il est apparu au côté du colonel Dijibrilla Hima Hamidou, commandant de la plus importante zone de défense du Niger. Un communiqué a par ailleurs indiqué que le Conseil s'est doté d'un président, en la personne du chef d'escadron Salou Djibo, qui commande la compagnie d'appui de Niamey et dispose d'armements lourds, tels des blindés. Des militaires légèrement armés effectuaient hier de rares patrouilles à Niamey, mais les marchés, les banques et les écoles ont ouvert leurs portes comme à l'accoutumée, au lendemain du coup d'État. La junte qui a pris le pouvoir jeudi a lancé un appel au calme et a décrété la fermeture des frontières. Les fonctions des ministres et des gouverneurs régionaux démis ont en outre été confiées à leurs chefs de cabinet. Après plusieurs mois de tensions, dues aux initiatives du président pour prolonger son mandat malgré les manifestations de l'opposition et les protestations de la communauté internationale, les Nigériens semblent reprendre leur souffle. "Maintenant, je pense que nous allons pouvoir travailler normalement, libérés de la pression de la rue et des radios privées aux ordres des politiciens", s'est félicité un enseignant de l'ouest de la capitale. Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Jean Ping, a 'condamné la prise du pouvoir par la force au Niger' et demandé un 'retour rapide à l'ordre constitutionnel'. Lors de son sommet fin janvier à Addis Abeba, l'Union africaine avait 'exhorté les parties nigériennes à poursuivre le dialogue pour régler la crise dans leur pays'. La Cédéao a entamé une médiation qui n'a pas abouti. Jeudi soir, le commissaire à la paix et la sécurité de l'UA, Ramtane Lamamra, avait rappelé la position de principe de l'organisation continentale relative aux coups d'Etat. 'L'UA condamne l'usage de la violence pour tout changement de pouvoir politique, pour le Niger comme pour les autres pays (...). Il n'y a pas de bon ou de mauvais coup d'Etat. Tous sont mauvais', avait-il déclaré.