La Commission européenne envisage d'interdire les opérations les plus spéculatives sur les marchés liées à de la dette émise par les Etats, a annoncé mardi 9 mars son président José Manuel Barroso, tirant les leçons de la crise grecque. "La Commission va examiner de près l'opportunité d'interdire les opérations purement spéculatives sur des CDS liés à de la dette souveraine", a indiqué M. Barroso devant le Parlement européen. "Il n'est pas justifié d'acheter une assurance [un CDS fonctionne comme une assurance] pour des risques qui n'existent pas, sur une base purement spéculative", a-t-il souligné. Les CDS (Credit Default Swaps) sont des produits financiers dérivés, destinés au départ à se couvrir contre le défaut d'un émetteur de dette, un peu sur le principe d'une assurance. Mais des spéculateurs achètent des CDS couvrant des risques auxquels ils ne sont pas directement exposés, pariant sur un défaut de l'émetteur concerné. Ils peuvent alors en racheter les obligations à bas prix, et empocher "l'assurance" offerte par le CDS. Les CDS ont été mis en cause dans la crise financière, et plus récemment soupçonnés d'avoir été utilisés par des spéculateurs dans le cadre de la crise budgétaire grecque. Conçus à l'origine pour prémunir les entreprises contre les risques d'impayés, les CDS (ou "credit default swaps") sont devenus des produits de plus en plus spéculatifs lorsque les investisseurs les ont déconnectés des titres qu'ils étaient censés couvrir. Les hedge funds et certaines banques américaines sont accusés d'avoir ainsi spéculé contre la Grèce, en achetant massivement des CDS pour les revendre à prix fort. Avec des conséquences désastreuses pour Athènes, qui doit rémunérer les investisseurs à un coût de plus en plus élevé. Même si elle n'est pas à l'ordre du jour, la question pourrait être évoquée lors de la prochaine réunion de l'Ecofin, mardi prochain à Bruxelles. En attendant un projet de réglementation que le nouveau commissaire aux Affaires intérieures, Michel Barnier, souhaite présenter d'ici à la fin de l'année. Une réunion technique avec les régulateurs et divers acteurs du marché a permis de faire un premier point vendredi dernier. Mais une régulation purement européenne aurait des effets limités. Le soutien des Américains est crucial. Se faisant le porte-parole de ces inquiétudes lors d'une visite à Washington, le premier ministre grec Georges Papandréou a réclamé des "règles claires" sur les ventes à découvert et les swaps de défaut de crédit. "J'espère qu'il y aura une réponse positive de ce côté-ci de l'Atlantique en vue de proposer cette initiative au G20", a-t-il ajouté. Le secrétaire américain au Trésor lui a rappelé qu'une législation, visant à mieux encadrer le marché des CDS était en discussion devant le Congrès. Les récentes déclarations américaines vont dans le sens des Européens. Paul Volcker, l'un des conseillers économiques de Barack Obama, a souligné la responsabilité des CDS dans cette affaire et appelé à un encadrement plus étroit. La banque centrale américaine a ouvert une enquête fin février sur le rôle de Goldman Sachs dans le maquillage des comptes grecs en 2001, condamnant la spéculation sur la dette d'État. La justice américaine enquêterait également sur une entente possible entre plusieurs fonds d'investissement pour spéculer à la baisse sur l'euro à l'occasion de la crise grecque.