Le président de Morgan Stanley Asie, Stephen Roach, a déclaré vendredi qu'il était ironique pour les Etats-Unis d'accuser la monnaie chinoise pour le taux de chômage élevé sur leur territoire et leur déficit commercial, et que les sanctions contre la Chine donneraient un résultat désastreux pour les Etats-Unis. Les plaintes contre la politique de taux de change chinois se multiplient, estimant que la sous-évaluation du yuan est l'un des facteurs les plus importants de chômage aux Etats-Unis. "Malheureusement, ce n'est pas du tout la vérité", a noté M. Roach, lors d'une conférence de presse à Beijing précédant le 11e Forum annuel de développement chinois, qui se tient du 20 au 22 mars. "Le déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine n'a que très peu à voir avec le renminbi. Il reflète le fait que les Etats-Unis n'ont pas fait d'épargne et que les pays n'ayant pas épargné sont obligés d'importer", a-t-il expliqué, commentant les pressions américaines pour une réévaluation du yuan. Les hommes politiques américains ne veulent pas assumer leurs responsabilités pour le taux de chômage élevé qui approche les 10 %, alors ils préfèrent accuser quelqu'un d'autre, a ajouté M. Roach. Il a rappelé que les Etats-Unis avaient enregistré un déficit commercial avec 90 pays en 2008. Son plus grand déficit bilatéral est avec la Chine car les multinationales américaines ont adopté des stratégies de sous-traitance, et que les consommateurs américains demandent des produits de haute qualité et de prix inférieur fabriqués en Chine. M. Roach a averti que des sanctions commerciales contre la Chine pourraient faire en sorte que la part chinoise dans le déficit commercial américain soit transférée à d'autres partenaires commerciaux. Cela signifierait que les Etats-Unis devront importer des produits plus coûteux, équivalant ainsi à une sorte de taxe supportée par les travailleurs américains. "Ce serait un désastre pour les Etats-Unis et aussi pour les exportateurs chinois", a-t-il estimé. "Nous aimerions parler d'une globalisation gagnant-gagnant. Ceci est un exemple de globalisation perdant pour les deux". Notons que des experts américains ont noté de leur côté que le gouvernement américain devrait évaluer objectivement la politique monétaire de la Chine pour vérifier si cette dernière manipule ou non sa monnaie. "Il y a peu de possibilités que le département du Trésor américain déclare la Chine manipulatrice de monnaie", a déclaré Kenneth Lieberthal, chercheur et directeur du Centre de Chine John Thorton de l'Institution Brookings, interrogé par Xinhua lors d'un séminaire jeudi, au siège de la fondation à Washington. Sur la possibilité qu'un yuan fort puisse régler le problème du déficit budgétaire des Etats-Unis, Barry Bosworth, un autre chercheur de l'Institution Brookings, a affirmé qu'il n'était pas certain que le changement du taux de change de la monnaie chinoise puisse contribuer à régler le problème du déséquilibre commercial des Etats-Unis. "Les Etats-Unis et la Chine ne sont pas des concurrents directs", a indiqué M. Bosworth, "Nous produisons peu de choses produites par la Chine". La Chine représente un type de production à bas salaire, alors que l'industrie américaine met l'accent sur la haute technologie et les capitaux massifs. "Nos principaux concurrents sont l'Allemagne et le Japon". Les Etats-Unis s'intéressent au marché chinois, "un excellent marché pour nos exportations. Nous souhaitons donc avoir accès au marché chinois". La baisse du niveau des restrictions sur le commerce et la croissance rapide de la demande intérieure en Chine pourraient donc aider les Etats-Unis, a-t-il ajouté. "La plupart des monnaies étrangères ont commencé la dévaluation face au dollar après l'écroulement de la banque Leman Brother"s en septembre 2009, mais la Chine a maintenu un yuan stable", a affirmé Pieter Bottelier, un chercheur de l'Université John Hopkins, lors d'un autre séminaire mercredi à la Fondation Carnegie pour la paix internationale.