Après l'échec du sommet de Copenhague sur la lutte contre le réchauffement climatique, en décembre 2009, la diplomatie européenne et son action en faveur de la protection de l'environnement ont subi un autre nouveau revers à Doha, au Qatar, sur le dossier du thon rouge. La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites) a rejeté à une large majorité de pays (72 votes contre, 43 favorables et 14 abstentions) la proposition de l'Union européenne d'interdiction du commerce international de cette espèce emblématique de la surexploitation des ressources marines. Écologistes et pêcheurs s'affrontent depuis des années. Les premiers ont comme une arête en travers de la gorge, les seconds restent prudents. D'un côté, on estime que le bon sens et la réalité ont primé, de l'autre on parle d'irresponsabilité et de mauvaise appréciation des choses. On se souvient que début février, lorsque la France se prononçait pour l'inscription du thon rouge à l'annexe 1 de la Cites , les professionnels de la pêche et plus particulièrement les thoniers-senneurs avaient crié à la catastrophe. Ils en avaient appelé à l'arbitrage de Nicolas Sarkozy, lequel n'a jamais répondu à leur demande d'audience. Mais les pêcheurs européens croyaient-ils vraiment à l'interdiction de la commercialisation internationale du thon ? Le peu d'énergie déployée pour la défense de leur activité laisse à penser qu'ils savaient qu'une majorité favorable à cette interdiction ne se dégagerait pas à la Cites. À l'annonce du vote de Doha, Henri Gronzio, président du comité régional des pêches du Languedoc-Roussillon en France , se disait content " Bien sûr, nous nous réjouissons de ce vote. Il confirme ce que les pêcheurs et les scientifiques disent depuis longtemps. Du thon, il y en a, il n'est pas en voie d'extinction. Mais, avant de nous exprimer plus longuement, nous attendons la séance plénière avant la clôture de la conférence. C'est elle qui doit entériner le vote ". Mais pour le responsable du programme "pêche durable" à WWF, organisation environnementale " une fois de plus, ce sont les intérêts à court terme qui ont gagné " . Et d'expliquer : "La sauvegarde de l'espèce et de la pêche artisanale a été bafouée au profit de la pêche industrielle. Depuis six mois, le Japon fait du lobbying auprès des pays en voie de développement pour qu'ils votent contre l'interdiction alors que les pays de l'Union européenne ont mis six mois à se mettre d'accord. Ce fut du temps perdu. ! La décision a douché les espoirs des écologistes, qui ont dénoncé un vote "scandaleux". Les commissaires européens à l'environnement, Janez Potocnik, et à la pêche, Maria Damanaki, se sont déclarés "déçus". L'UE reste déterminée à préserver le thon rouge et attend de l'Iccat qu'elle prenne ses responsabilités, ont-ils dit. Quant à la France , qui a maintenu le suspens durant des mois , elle va tenter de proposer une inscription de l'espèce à l'annexe II, moins contraignante, mais les chances semblent pour l'heure très minces. Après cet échec cuisant, reste-t-il un espoir pour sauver le thon rouge ? Les organisations écologistes à l'image de WWF comptent demander un moratoire sur la pêche au thon, lors de la réunion de l'Iccat de cet automne à Paris mais l'espoir de voir interdire la pêche de cette espèce en voie d'extinction reste minime.