La Commission électorale thaïlandaise a recommandé mardi à la surprise générale la dissolution pour fraudes du parti du Premier ministre Abhisit Vejjajiva, tandis que les "chemises rouges" menaçaient de marcher sur la caserne où il a pris ses quartiers. Arrivé au pouvoir en décembre 2008 avec l'appui de l'armée, Abhisit devra démissionner si la justice déclare son parti coupable d'irrégularités, comme l'a recommandé la commission électorale. Plusieurs mois pourraient toutefois s'écouler avant que la Cour constitutionnelle ne se prononce sur les irrégularités reprochées à la formation d'Abhisit, qui est le plus vieux parti de Thaïlande. Une dissolution frapperait ses membres de cinq ans d'inéligibilité. Certains observateurs estiment qu'en recommandant cette dissolution, la commission électorale a voulu donner des gages aux "chemises rouges", les partisans de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, déposé en 2006. Ces derniers, qui réclament le départ de l'actuel chef du gouvernement depuis un mois, ont promis de multiplier les initiatives, malgré les violences qui ont fait 21 morts samedi. Ils ont notamment l'intention d'envoyer des centaines de motocyclistes distribuer des tracts montrant des photos des heurts de samedi, qu'ils imputent aux forces gouvernementales. Les autorités mettent en cause des "terroristes" non identifiés. "Nous envisageons aussi une marche en direction du 11e Bataillon pour demander une réponse à Abhisit et à l'armée derrière laquelle il se cache", a déclaré à la presse Nattawut Saikua, chef de file du mouvement, évoquant la caserne où le Premier ministre s'est installé au début de la contestation. Environ 300 "chemises jaunes", groupe formé d'intellectuels, d'entrepreneurs et de membres de la classe moyenne à l'origine de la chute de Thaksin, se sont rassemblés devant le monument aux morts de Bangkok pour inviter les "chemises rouges", issus du monde rural et de la classe ouvrière, à rentrer chez eux. Lundi, le chef des forces armées avait déclaré lors d'une conférence de presse conjointe avec le vice-Premier ministre que l'annonce d'élections législatives anticipées pourrait mettre fin à l'impasse politique. Il s'agissait de la première déclaration publique sur la crise politique de la part du chef des puissantes forces armées, après l'intervention des forces de l'ordre samedi pour chasser les manifestants d'un de leurs bastions du centre de Bangkok. Outre les 21 morts, ces heurts ont fait plus de 800 blessés. Lundi, certains partenaires de la coalition avaient proposé qu'Abhisit dissolve le parlement dans six mois. Le Premier ministre, lui, a proposé de convoquer de nouvelles élections dans neuf mois, mais, comme le rapporte le Bangkok Post, les "chemises rouges" ont refusé cette proposition. "Il semble que la bonne fortune d'Abhisit tourne court", estime Sukhum Nuansakul, chercheur en sciences politiques. "La tendance peut s'inverser, mais à ce stade il semble que l'armée et les autres membres de la coalition (gouvernementale) commencent à être hostiles à l'instabilité et s'inquiètent pour eux-mêmes. Les violences de samedi ont changé un peu l'équation, ça rend les choses plus difficiles pour Abhisit", dit-il. Notons que le secrétaire général de l'Asean, l'Association des nations d'Asie du Sud-Est, le Thaïlandais Surin Pitsuwan a estimé hier que la crise politique en Thaïlande se détériore et représente une menace pour la sécurité des pays alentour. Le responsable du bloc régional a émis un communiqué après les violences du week-end à Bangkok entre manifestants et militaires, qui ont fait 21 morts et plus de 860 blessés. 'La situation qui se détériore en Thaïlande entre les manifestants et les forces de sécurité du gouvernement a suscité de graves inquiétudes parmi les pays membres de l'Asean et le monde en général', a déclaré M. Surin.