La production de gaz naturel en Afrique, très faible en 1970, a connu depuis cette date une progression continue. En effet, elle a plus que triplé en 20 ans, de 1988 à 2008, augmentant de 60 à 215 milliards de m3/an, soit en moyenne un taux de croissance de 6 % par an. Ce taux est bien supérieur à l'augmentation de la production mondiale qui a atteint pendant la même période 60 %, soit un taux annuel de croissance de 2,5 %. Globalement, la part de l'Afrique dans la production mondiale de gaz a progressé de 3 % en 1988 à 7 % en 2008. Selon Honoré Le Leuch, expert pétrolier international, Directeur de la division Etudes et conseils, Beicip-Franlab, quatre pays, l'Algérie, l'Egypte, le Nigeria et la Libye, produisent aujourd'hui 86 % de la production africaine gazière, le solde provenant d'une dizaine d'autres pays. En 2008, la production africaine de gaz est à hauteur de 44 %, consommée dans le continent. Les 56 % restants, soit près de 120 milliards de m3, sont exportés en majorité vers l'Europe et pour une faible part vers l'Amérique. Le principal pays producteur de gaz en Afrique est l'Algérie, avec 86,5 milliards de m3/an en 2008 (49 milliards en 1990). Environ 60 milliards de m3, soit 70 % de la production, sont exportés en majorité vers l'Europe, avec un objectif de 85 à 100 milliards à un horizon de cinq à dix ans. La consommation intérieure, en progression, est d'environ 26 milliards de m3/an. Le gaz est exporté soit par méthaniers, sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), avec 22 milliards de m3/an ainsi exportés en 2008, soit par deux gazoducs sous-marins vers l'Italie et l'Espagne pour alimenter l'Europe pour le solde de 38 milliards de m3. Pour continuer à accroître la capacité d'exportation du pays, plusieurs projets d'investissements tant en unités de GNL qu'en nouveaux gazoducs sont en cours de réalisation ou d'étude (dont le gazoduc Medgaz vers l'Espagne, qui sera en service dans quelques mois, et le gazoduc Galsi vers la Sardaigne et l'Italie prévu pour être en service dans quatre ans, lesquels se rajouteront aux deux gazoducs déjà en service vers l'Italie et l'Espagne). L'organisation du Congrès mondial du GNL, en Algérie, à Oran, illustre la notoriété du pays, qui avait fait construire la première unité de GNL dans le monde en 1964, sur la scène gazière internationale. L'Egypte est devenue depuis 1985 le second pays producteur de gaz africain, sa production ayant rapidement augmenté de 7 à 59 milliards de m3/an entre 1988 et 2008, surtout depuis le démarrage des exportations de GNL, en 2005. La production gazière, outre l'alimentation prioritaire du marché national (lequel atteint 41 milliards de m3/an en 2008, soit 70 % de la production intérieure), est exportée soit par méthaniers (14 milliards de m3 en 2008), des unités de liquéfaction ayant été récemment construites, soit pour le solde par gazoducs vers plusieurs pays de la région. Les découvertes de gaz de la dernière décennie et la progression de la production gazière ont fortement redynamisé le secteur face à une production nationale de pétrole en déclin. Cette forte croissance résulte de la nouvelle politique gazière décidée par le pays au milieu des années 80, fondée, entre autres, sur des recommandations de la Banque mondiale, dont l'objectif était d'encourager les compagnies à rechercher, non seulement du pétrole, mais aussi du gaz naturel (auparavant, en cas de découverte de gaz par une compagnie, seule la société nationale EGPC pouvait l'exploiter). Le prix de vente du gaz, lorsqu'il est vendu par les exploitants sur le marché national, a également augmenté, ce qui a encouragé les compagnies à investir plus en exploitation pour découvrir de nouvelles réserves. Ces investissements se sont traduits, entre autres, par d'importantes découvertes de gaz effectuées par plusieurs opérateurs en offshore méditerranéen, se rajoutant aux découvertes à terre déjà connues. Le Nigeria, qui possède des réserves très importantes de gaz naturel, est le troisième pays producteur, avec 35 milliards de m3/an en 2008. Une partie de cette production (21 milliards de m3 en 2008) est exportée sous forme de GNL grâce aux usines de liquéfaction NLGN. Un gazoduc de 680 km, le West Africa Gas Pipeline, entrera bientôt en service pour transporter le gaz vers le Bénin, le Togo et le Ghana. Le Nigeria a un potentiel de gaz très élevé, encore peu utilisé. D'importantes quantités de gaz naturel produites en association avec la production de pétrole, en dehors des quantités injectées dans les gisements, continuent à être brûlées à la torche, pratique dommageable à l'environnement, car il n'existe pas actuellement de marché local suffisant, ni d'unités de traitement, de liquéfaction ou de gazoducs de capacité adéquate pour traiter tout le gaz produit et le transporter localement ou l'exporter. De nouvelles unités sont toutefois en projet (le 7éme train de liquéfaction de l'usine NLGN et la nouvelle usine Brass LNG). Dans ce contexte, l'annonce, avec le concours notamment de Sonatrach, du projet de construction du gazoduc transsaharien Nigeria-Algérie d'une longueur de 4 100 km, avec une capacité de transport jusqu'à 30 milliards de m3/an, pour un investissement supérieur à 10 milliards de dollars, pour lequel une décision reste à prendre, illustre les enjeux énergétiques pour pouvoir approvisionner la demande croissante mondial en gaz naturel. La production gazière de la Libye a atteint 15,9 milliards de m3 en 2008 (au lieu de 5 milliard de m3 il y a 10 ans en 1998 et 1,2 milliard en 1988). Sur ce total, 10,4 milliards de m3 sont exportés, 0,5 milliards sous forme de GNL, et 9,9 milliards via le gazoduc sous-marin Greenstream posé par Eni vers l'Italie, dont la capacité pourrait être augmentée. L'intensification récente de l'exploration dans le pays devrait conduire à une augmentation des exportations de gaz. Parmi les autres pays producteurs de gaz naturel en Afrique, on peut notamment citer les exemples de la Guinée Equatoriale, de l'Angola, du Mozambique, de la Côte d'Ivoire, de la Tunisie, de la Tanzanie. La Guinée Equatoriale, suite à la mise en service en 2007 d'une première usine de liquéfaction sur l'île de Bioko , a exporté 5 milliards de m3 en 2008 ; une extension de cette usine est à l'étude. L'Angola qui possède des réserves de gaz importantes, a en construction une usine de GNL d'une capacité de 7 milliards de m3, pour exporter le gaz produit excédant pour les besoins locaux. L a production de gaz du Mozambique est exportée par gazoduc vers l'Afrique du Sud à hauteur de 3,2 milliards de m3/an ; ce projet est un exemple récent de coopération entre deux pays pour monétiser le gaz découvert depuis plusieurs décennies au Mozambique, non exploité à l'époque en l'absence de débouchés commerciaux. Un autre exemple réussi d'exploitation de gaz naturel est celui de la Côte d'Ivoire, où la production locale, certes limitée, est depuis plus de dix ans principalement utilisée à la production locale d'électricité. Les réserves prouvées de gaz naturel Elles sont estimées fin 2008 à un total de 14 650 milliards de m3. La progression récente des réserves prouvées de gaz en Afrique a été moins forte que celle du pétrole, avec une progression de 36 % de 1998 à 2008, conduisant à une part dans les réserves mondiales relativement stable d'environ 8 %. Les quatre pays, par ordre décroissant de réserves prouvées gazières, sont le Nigeria (le cinquième pays au monde en termes de réserves avec 4 500 milliards de m3), l'Algérie (où les réserves de gaz sont relativement supérieures à celles du pétrole), l'Egypte, l'Angola. Les réserves actuelles de ces quatre pays correspondent à 84 % des réserves gazières de l'Afrique, une part identique à celle du pétrole, mais avec une répartition différente entre les pays. Les réserves ultimes de pétrole et de gaz naturel Les réserves ultimes sont par définition bien supérieures aux réserves prouvées, car à ces dernières se rajoutent les réserves probables et possibles, celles des gisements découverts mais non encore développés et celles des gisements restant à découvrir. L'Agence internationale de l'énergie (AIE), dans sa publication intitulée World Energy Outlook (WEO) 2008, a estimé qu'en Afrique, les gisements de pétrole déjà découverts et non encore développés représentaient un potentiel de plus de 35 milliards de barils récupérables (soit une augmentation probable de 30 % des réserves prouvées actuelles de pétrole du continent). De nombreux bassins africains sont encore peu explorés. Ainsi, l'AIE estime dans le WEO 2008 que les ressources de pétrole à découvrir pourraient atteindre 85 milliards de barils. Il est à rappeler que l'Afrique est l'un des plus grands continents avec une superficie de 30 millions de km2 qui continent des bassins sédimentaires étendus. Des pays comme l'Algérie, la Libye, le Soudan, ainsi que les bassins intérieurs de l'Afrique et les nombreux bassins offshore le long des côtes africaines sont considérés comme ayant encore de vastes zones prospectives où l'exploitation est à intensifier pour mieux connaître leur potentiel en hydrocarbures. Les découvertes réalisées au cours des deux dernières décennies illustrent tout l'intérêt de telles stratégies. Des prévisions de production et des investissements en hausse Le WEO de 2008 publié par l'AIE prévoit, pour le scénario dit de référence, que la production africaine de pétrole et de gaz continuera à croître d'ici à 2030, Pour le pétrole, la production augmentera, selon cette prévision qui est seulement donnée à titre illustratif, de 10,3 Mb/j à 12,7 Mb/j, soit une croissance moyenne de 1 % par an durant la période. La croissance proviendrait des quatre pays membres de l'Opep, dont la production atteindrait 10,8 Mb/j en 2030 au lieu de 7,9 Mb/j en 2008 ; pour les autres pays africains non membres actuellement de l'Opep, la production pourrait diminuer légèrement, passant de 2,4 Mb/j en 2008 à 1,9 Mb/j en 2030. D'autres sources donnent pour le pétrole africain des prévisions à long terme plus optimistes. Pour le gaz naturel, la croissance estimée dans le WEO serait bien supérieure puisque la production africaine est prévue à croître de 215 milliards de m3 en 2008 à 452 milliards en 2030, soit une croissance moyenne de 3,5 % par an, le double de la croissance mondiale prévue sur la même période pour la production gazière mondiale. Ces quelques prévisions démontrent que l'Afrique aura dans le futur une place plus importante sur la scène pétrolière et gazière internationale. L'intensification des investissements pétroliers et gaziers consacrés par les compagnies à l'Afrique illustre cette tendance. Si l'on reprend une estimation du WEO 2008, les investissements cumulés en exploration et production en Afrique pour la période 2007/2030 atteindraient près de 1 200 milliards de dollars, soit une moyenne de plus de 50 milliards de dollars par an. Ce total représenterait en moyenne 14 % des investissements mondiaux du secteur pendant la même période. L'Afrique deviendrait, selon l'estimation de l'AIE, l'une des zones les plus actives, car les investissements cumulés pendant la période 2007/2030 y seraient supérieurs à ceux prévus dans des zones comme la Russie, l'Amérique Latine ou l'Asie et seraient même très légèrement supérieurs à ceux prévus au Moyen-Orient (1 128 milliards de dollars).