Partout dans le monde, les résultats d'activité des trois premiers trimestres sont publiés donnant la tendance lourde de l'année. En Algérie, le mystère plane sur le cru 2007. Tentative ici de débusquer une piste à partir d'indicateurs parcellaires et anciens. A 10 semaines de la fin de l'année 2007, la conjoncture économique algérienne évolue dans un épais brouillard, au sujet de ses performances annuelles. L'année dernière c'est vers la fin du mois de novembre qu'au détour d'un chiffre sur la production industrielle publique, l'alerte avait été donné – dans une chronique de presse de Abdelmadjid Bouzidi - sur le risque d'un taux de croissance global faible pour 2006. En effet la production d'hydrocarbures en volume avait connu un tassement qui, couplé à un calcul à prix constant sur la période, a tiré vers le bas l'ensemble de l'échafaudage, à 1,2% de croissance seulement. Les analystes avaient préféré retenir le taux de croissance de 4,8 % du PIB en hors hydrocarbures. Devrons t'il faire de même pour 2007 ? Les indicateurs de tendance sont toujours aussi peu diserts. Et les pouvoirs publics s'en accommodent, eux qui, faute de production de chiffres indépendants, ont pu négocié avec le FMI, la publication d'un taux de 3% pour 2006, selon un mode de calcul avantageux, qui atténue « l'effet plombant » de la contre-performance des hydrocarbures. Abdellatif Benachenhou avait, lors de son premier passage à la tête du ministère des finances en 2001, fait de la création d'un institut national de la conjoncture économique une de ses priorités, « afin de mettre à disposition des opérateurs et des décideurs publics un tableau de bord fiable -et à jour- des tendances de l'activité ». Six ans après, aucun responsable dans le gouvernement ne sait encore à la mi-octobre quel a été le taux de croissance au premier semestre 2007. Les hydrocarbures vont-ils stagner en volume ? En attendant les résultats de l'agriculture toujours aussi fortement corrélés à la pluviométrie, la tendance de l'évolution du PIB en 2007 pourrait être assez proche de celle de 2006 : faible dans le global, correcte dans le hors hydrocarbures. La ligne hydrocarbures dans l'indicateur ONS de la production industrielle publique au 1er trimestre 2007 indiquait -avec une baisse de 1% - une tendance à la stagnation sur l'année. La part des hydrocarbures ayant atteint les 46% du PIB en 2006, elle impact de manière décisive les chiffres de la croissance selon ses performances de l'année. « Cela revient en gros à dire que si l'économie algérienne hors hydrocarbures réalise 10% de taux de croissance en 2007 et que les hydrocarbures stagnent, la performance globale sera de 5%. Or “je ne pense pas que l'activité hors hydrocarbures fasse 10% de croissance cette année » explique Saïd Ighilahriz, conjoncturiste, directeur du bureau d'études Ecotechnics. Sauf à connaître un très fort rebond de la production de produits pétroliers brut, de gaz naturel et de produits raffinés durant le second semestre 2007, la progression globale du PIB de l'Algérie en 2007 devrait donc pour la seconde année consécutive rester en dessous des 5%. Les trois années ou le PIB algérien a augmenté de plus de 5% sont 2003 (7,4%), 2004 (6,1%) et 2005 (5,5%) des années de fortes expansion de la production de pétrole et de gaz tirées par la hausse des cours mondiaux. Le poids de la croissance provenant des autres activités tarde donc à contrebalancer le ralentissement - statistiquement prévu - de la croissance tirée par les hydrocarbures. Les chiffres globaux de 2007 devront en pâtir moins qu'en 2006, mais dans le même ordre d'échelle. La croissance se prive de l'apport des PME exclus du crédit Le chapitre hors hydrocarbures prend du galon dans l'analyse de la conjoncture. La aussi, la production de chiffres fiables et à jour est la plus faible des trois pays du Maghreb central. Les performances du secteur privé en particulier échappent totalement à l'observation statistique. Avec plus de 60% de la valeur ajoutée hors hydrocarbures, ils sont pourtant décisifs dans l'esquisse d'une tendance de la conjoncture. Le point névralgique se situe ici dans l'analyse du taux d'investissement. Il a augmenté de 7,1% en 2006 et connaîtra sans doute une croissance encore plus forte en 2007. Mais dans ce « dynamisme » de l'investissement « l'Etat compte pour au moins 50% , tandis que les deux tiers de ce qui reste est le fait du secteur de l'énergie et de quelques grosses boites publiques ou privées. Si l'on ajoute dans le restant l'investissement des ménages, on se rend bien compte que le tissu de centaines de milliers de PME en Algérie investit très peu. Or ce sont elles qui peuvent faire décoller la croissance du PIB dans la production de biens et de services » note Saïd Ighilahriz. Le taux d'épargne élevé (42%) et l'incapacité des autorités algériennes à employer toutes les ressources financières excédentaires à la croissance est la nouvelle contrainte de la conjoncture depuis deux ans. « Plus de 10% du PIB est thésaurisé, ce qui représente maintenant au-delà de 10 milliards de dollars par an, c'est beaucoup » a relevé l'ancien premier ministre Ahmed Benbitour lors de l'une de ses deux conférences à la fondation Friedrich Ebert ce mois de ramadan. En 2007, le sous investissement persistant des PME va commencer à produire du manque à gagner en points de croissance. Une fois de plus au cœur de la contrainte, l'accès au crédit . Pour Said Ighilahriz ; « les banques publiques n'ont pas la culture du risque. Elles exigent des garanties démesurées aux petites entreprises qui détiennent elles de vraies projets de croissance de marché. Et les banques privées n'ont pas assez de fonds propres pour financer l'expansion de l'activité du privé. Les PME avancent au rythme de leur autofinancement. Cela pèse lourdement sur les performances de l'économie algérienne ». C'est sans doute pour cela que Abdellatif Benachenhou a présenté, l'autre semaine devant les invités du FCE , la privatisation en cours du CPA comme « le fait majeur qui modifiera les termes du financement » de l'activité des entreprises, en vue de libérer l'offre de biens et de services de ses contraintes. La consommation des ménages ne décolle pas Le tableau global de la conjoncture en 2007 demeure dans la continuité des années précédentes. La baisse du chômage -officiellement à 12,6% en 2006 – devrait se ralentir après avoir fondu de 15 points en trois ans. L'inflation reste maîtrisée et sera sans doute contenue dans les limites des 4% en glissement annuel. Le pic de l'inflation importée au troisième trimestre de l'année ne suffira pas à changer la donne à cause notamment d'une politique sévère de contrôle des liquidités de la banque d'Algérie. La consommation finale des ménages a augmenté moins que le PIB en 2006. Elle peine à devenir un moteur auxiliaire de la croissance. Ce sera sans doute encore le cas en 2007. L'accélération de la naissance de nouveaux ménages (250 000 par an en moyenne), diffère la demande vers le logement et les biens durables. 2008 devrait connaître un saut dans la consommation finale des ménages du fait de la nouvelle grille des salaires de la fonction publique applicable à partir du 1er janvier prochain. Qui en profitera du côté de l'offre ? Avec le système des statistiques algériens personne ne le saura à temps.