Les cours du pétrole se stabilisaient à près de 78 dollars le baril à Londres et 72 dollars à New York après deux semaines de dégringolade, malgré l'influence négative exercée par la vigueur du dollar, au plus haut depuis quatre ans face à l'euro. Vers 10H30 GMT (12H30 HEC), le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet (devenu lundi le nouveau contrat de référence) prenait 30 cents à 78,21 dollars par rapport à la clôture de la veille. A la même heure, le "brut léger texan" (WTI), pour livraison en juin, gagnait 27 cents à 71,88 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). A 08h48, le contrat new-yorkais a atteint son plus bas niveau en trois mois, à 69,82 dollars le baril, en réaction au recul de l'euro à son plus bas niveau en quatre ans face au dollar, qui renchérit le pétrole pour les pays dont la devise n'est pas le billet vert. Les cours pétroliers ont chuté depuis le 3 mai car les investisseurs ont privilégié les valeurs refuges, craignant que la crise des dettes souveraines européennes ne pèse sur la croissance économique et sur la demande de pétrole. Jusqu'à ce jour, le contrat WTI a été le plus touché par ce mouvement de baisse. Il a perdu plus de 15 dollars par rapport à son point haut mensuel à 87,15 dollars le baril, en raison du niveau record atteint par les réserves du terminal de Cushing, dans l'Oklahoma, où il est stocké. Cette baisse sans fin "reflète ce qui se passe en Europe, la crise de la dette est toujours là", a jugé Andy Lipow, de Lipow Oil Associates. "Le marché reste inquiet de la manière dont les gouvernements vont réduire leurs déficits: se prêter les uns aux autres ne résout pas le problème". Les mesures drastiques déjà annoncées par certains pays européens --Grèce, Espagne et Portugal-- pour réduire leur dette publique risque d'affecter la consommation des ménages, à laquelle est très sensible la consommation de carburants, a souligné M. Lipow. "Les prix peuvent continuer à reculer, surtout avec l'augmentation des stocks aux Etats-Unis", a-t-il ajouté. Les analystes s'inquiètent particulièrement du niveau record des réserves au terminal de Cushing (Oklahoma, sud), point de livraison du brut échangé sur le marché new-yorkais et plus grand centre de stockage du pays. L'abondance de l'offre pèse lourdement sur les cours, et le baril de brut américain vaut désormais environ six dollars de moins que celui de Brent européen (77,50 dollars vers 13H10 GMT). Néanmoins, les cours se raffermissaient hier matin. "Une consolidation serait très saine cette semaine, une fois que les prix auront trouvé un plancher", commentait Andrey Kryuchenkov, analyste du cabinet pétrolier. Après s'être approché fin avril de la barre des 90 dollars, le marché pétrolier a fortement reculé au cours des deux dernières semaines en raison des inquiétudes sur l'économie de la zone euro mais aussi du renforcement du dollar. Les dernières annonces économiques et géopolitiques n'étaient pourtant pas de nature à favoriser un rebond du pétrole, tout au contraire. Alors que le contentieux entre la communauté internationale et l'Iran au sujet de son programme nucléaire participe à soutenir les cours du pétrole depuis des années, un pas important vers un rapprochement pourrait avoir été franchi lundi: l'Iran, la Turquie et le Brésil ont adopté une proposition commune d'échange sur le territoire turc de combustible nucléaire iranien contre de l'uranium enrichi à 20% pour tenter de dénouer la crise née de la politique d'enrichissement d'uranium de Téhéran. Au chapitre de l'offre et la demande, l'Irak a dit s'attendre, après avoir accordé dix contrats à des compagnies pétrolières internationales, à une augmentation de sa production de 600'000 barils d'ici fin 2011, selon un responsable cité par la revue spécialisée Middle East Economic Survey (MEES). Si ces chiffres se vérifiaient, la production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) continuerait donc à croître de façon marquée. N'étant pas soumis au système des quotas, l'Irak peut augmenter sa production autant que ses capacités techniques le lui permettent. Du côté des marchés enfin, l'inquiétude et la nervosité continuaient à dominer, entretenant un climat peu favorable aux achats de matières premières. L'euro évoluait près de son niveau le plus bas depuis quatre ans et les places européennes étaient orientées à la baisse, après une lourde chute des Bourses asiatiques. "La semaine commence avec une baisse des actions chinoises, un plus bas de l'euro depuis des années, et l'Iran qui met en doute la possibilité de se voir infliger des sanctions nucléaires", résumait Olivier Jakob, du cabinet Petromatrix.