Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie en 2001, ex-conseiller économique du président Bill Clinton (1995-1997) et ex-chef économiste de la Banque mondiale (1997-2000), est connu pour ses positions critiques sur les grandes institutions financières internationales, la pensée unique sur la mondialisation et le monétarisme. Il a récemment livré au quotidien le Monde son analyse de la crise de l'euro. Il a estimé dans ce sens, que l'Union européenne court "au désastre" si elle applique un plan coordonné d'austérité. Plusieurs capitales européennes ont annoncé ces dernières semaines des mesures de réduction de la dépense publique, incluant parfois la baisse des salaires des fonctionnaires, afin de réduire leurs déficits dont l'ampleur inquiète les marchés financiers. "Si elle continue dans cette voie-là, (l'Union européenne) court au désastre. Nous savons, depuis la Grande Dépression des années 1930, que ce n'est pas ce qu'il faut faire", dit Joseph Stiglitz dans un entretien au Monde paru samedi. "L'Europe a besoin de solidarité, d'empathie. Pas d'une austérité qui va faire bondir le chômage et amener la dépression", ajoute-t-il, affirmant que la Grèce et l'Espagne "ne s'en sortiront que si la croissance européenne revient". Le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, a estimé cette semaine que l'Allemagne et la France ne devaient pas, dans l'immédiat, se focaliser sur leurs déficits mais sur leur croissance, plus faible que celle des autres grandes puissances économiques. Stiglitz, Prix Nobel d'économie en 2001 et ex-chef économiste de la Banque mondiale, porte un regard très critique sur le comportement de l'UE, notamment de l'Allemagne, depuis le début de la crise de la dette grecque. "C'est d'abord et avant tout le manque de solidarité qui menace la viabilité du projet européen", dit-il. "Le problème, c'est que les Etats membres de l'UE n'ont pas tous les mêmes croyances en terme de théorie économique", ajoute l'Américain. "Nombreux sont ceux qui, en Allemagne, s'en remettent totalement aux marchés. Dans leur logique, les pays qui vont mal sont responsables et doivent donc se débrouiller", déplore-t-il. Le scénario d'avenir le plus probable n'est pas, selon lui, la fin de la monnaie unique mais un défaut de paiement des pays les plus en difficulté. "Il y a un moment où Athènes, Madrid ou Lisbonne se posera sérieusement la question de savoir s'il a intérêt à poursuivre le plan que lui ont imposé le Fonds monétaire international et Bruxelles. Et s'il n'a pas intérêt à redevenir maître de sa politique monétaire", dit-il.