Docteur Abderrahmane MEBTOUL, professeur d'Université Expert International 2-- Réévaluations permanentes et impact limité de la dépense publique Aussi, au delà des données statistiques qui peuvent être trompeuses, comme cette annonce que 40% sont consacrés au capital humain , il faut replacer l'impact de la dépense publique à la mauvaise performance des dépenses d'investissement en Algérie étroitement liée aux carences en matière de gestion des dépenses publiques. Les déficiences observées dans son processus budgétaire et les goulets d'étranglement institutionnels ont systématiquement entraîné une mauvaise exécution des programmes d'investissement. Toutes ces insuffisances aboutissent à une mauvaise programmation, à la surestimation des dépenses et à de longs retards dans l'exécution des projets. De très importants dépassements de budget ont été constatés au niveau de différents projets dont : -l'existence d'un décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles ;-l'absence d'interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d'investissement et le budget de fonctionnement (récurrent) ;-des passifs éventuels potentiellement importants, des écarts considérables entre les budgets d'investissement approuvés et les budgets exécutés ;- des longs retards et des surcoûts pendant l'exécution des projets, ce qui témoigne de la faiblesse de la capacité d'exécution des organismes d'exécution ;-la performance est particulièrement mauvaise à toutes les différentes étapes de la formulation, une analyse des coûts démontrant que les projets sont extrêmement coûteux ; - de nombreuses décisions de projet ne sont pas fondées sur des analyses socioéconomiques. Ni les ministères d'exécution, ni le ministère des Finances n'ont suffisamment de capacités techniques pour superviser la qualité de ces études, se bornant au contrôle financier, le suivi technique (ou physique) exercé par les entités d'exécution étant inconnu ou au mieux insuffisant. Il n'existe aucune évaluation a posteriori permettant de comparer ce qui était prévu avec ce qui a été réalisé et encore moins de comparer le coût-avantage ou l'efficacité avec la situation réelle. Ce qui fait que le non respect des normes minimales - dans l'analyse du ratio coûts-avantages, rentabilité sociale et profils des projets a de graves conséquences en termes de ressources gaspillées. De nombreuses faiblesses trouvent leur origine dans l'urgence qui accompagne la préparation des projets notamment la myriade de demandes spécifiques auxquelles les projets sont supposés répondre et le chevauchement des responsabilités entre les diverses autorités et parties prenantes (des dizaines de commissions ministérielles et commissions de wilaya dans le cas du PSRE). Nous aurons alors (04) impacts de l'inefficacité de la dépense publique : -a- sur le volume des importations car le gonflement est dû essentiellement à la dépense publique et ses surcoûts comme le montre la tendance des importations selon les statistiques douanières, de 2009 presque identique à 2008 à 1 à 2 milliards de dollars près malgré une bonne récolte et la déflation au niveau mondial (baisse des prix) montrant que les dernières mesures gouvernementales ne se sont pas attaquées à l'essence de ce gonflement; -b- sur le processus inflationniste qui est à l'origine pour partie de l'inflation et très accessoirement les salaires qui représentent moins de 18% rapportés au produit intérieur brut donc sur le pouvoir d'achat de la majorité encore qu'il faille tenir compte que les hydrocarbures représentent 45% du PIB pour calculer le ratio masse salariale sur le PIB segment par segment ; c- sur la balance des paiements du fait que le doublement de la valeur des services entre 2007/2009, 10/11 milliards de dollars entre 2008/2009 concerne essentiellement le poste infrastructures (assistance étrangère) renvoyant à la dévalorisation du savoir ; d- sur le taux de croissance global et sectoriel où selon les données tant internationales qu'officielles qu'internationales clôturées et non les prévisions des lois de finances qui n'ont jamais été respectées que le taux de croissance du PIB a été officiellement de 1,6% en 2006, moins de 2% en 2007, inférieur à 3% en 2008, et selon les prévisions , 2,1% en 2009 et 3,7% puis ramené à 4,2% en 2010. La technique connue des économistes (triangularisation du tableau d'échange interindustriel) permet de démontrer que les hydrocarbures irriguent l'ensemble de l'économie et le segment hors hydrocarbures l'est à plus de 80% sur le total des 5/6% hors hydrocarbures de taux de croissance invoqué par les officiels ( moyenne 2004/2009) , restant aux seules véritables entreprises une participation réelle inférieure à 10% du total du produit intérieur brut ( PIB) comme le montrent depuis plusieurs années les exportations horshydrocarbures (environ 2% du total). Aussi invoquer récemment un taux de croissance hors hydrocarbures de 10% en 2009 c'est invoquer un taux artificiel (encore qu' il convient de se poser la question comment entre deux déclarations officielles de juin 2009 et décembre 2009 est-on passé de 5 à 10% ?), comme le taux de chômage de l'organisme de la statistique ONS (10,2% fin 2009) incluant tous les emplois temporaires improductifs, les sureffectifs des entreprises et des administrations , la sphère informelle n'existant pas de politique salariale au profit du travail de l'intelligence mais des distributions de rente pour une paix sociale fictive. La question centrale qui se pose et qui devrait interpeller les plus hautes autorités algériennes au plus haut niveau est comment avec une dépense publique sans précédent depuis l'indépendance politique, de 200 milliards de dollars entre 2004/2009, les résultats sont-ils si décevants? Doit-on continuer dans cette trajectoire où les dépenses ne sont pas propositionnelles aux impacts ? Paradoxe, le PIB moyenne 2007/2009, est presque l'équivalent des réserves de change : 144 milliards de dollars en 2008, 150 milliards de dollars en 2009 dues à des facteurs exogènes alors qu'il aurait dû être supérieur à 10% comparé à des ces dépenses pour des pays similaires montrant une allocation non optimale des ressources financières et donc un gaspillage . Car avec un taux de croissance de la population active( 3,4% par an minimum) , nous aurons un flux annuel de demandes d'emplois (400.0000/450.000/an) et une réduction substantielle du taux de chômage actuel implique un taux de croissance selon l'avis unanime des organismes internationaux supérieur à 8% sur 7/8 ans tiré par l'entreprise créatrice de richesses et non artificiellement par l'injection massive de la dépense publique d'argent via les hydrocarbures , pour atténuer à terme les tensions sociales. Il existe des lois économiques universelles applicables à tous les pays : le taux d'emploi dépend du taux de croissance et des structures des taux de productivité. On ne crée pas des emplois par des lois et décrets : c'est l'entreprise qui crée l'emploi. Car actuellement tout est épongé par les recettes des hydrocarbures comme l'assainissement répété des entreprises publiques et les recapitalisations répétées des banques publiques D'une manière générale, la dépense publique a ses propres limites comme le montre la crise mondiale récente, le défi du XXIème siècle étant la bonne gouvernance, l'épanouissement de l'entreprise concurrentielle nationale ou internationale et son fondement la valorisation du savoir, richesse bien plus importante que toutes les ressources d'hydrocarbures, comme le montre la réussite des pays émergents et non l'unique dépense monétaire d'autant plus que les infrastructures ne sont qu'un moyen limité d'un développement durable.