Le bilan des violences interethniques, qui font rage depuis trois jours dans le sud du Kirghizistan, s'est alourdi avec près de 100 morts, a annoncé hier le ministère kirghiz de la Santé. «A 17H00 (11H00 GMT) le 13 juin, 97 morts ont été dénombrés dans les régions d'Och et de Djalal-Abad», a précisé le ministère dans un communiqué qui fait état de 1.247 blessés, dont 727 ont été hospitalisés. Selon le ministère, 87 des victimes ont été comptabilisés dans la région d'Och, où les violences entre Kirghiz et la minorité ouzbek ont commencé dans la nuit de jeudi à vendredi, et 14 autres ont été recensés dans la région voisine de Djalal-Abad où les affrontements se sont propagés samedi. Le gouvernement provisoire a décrété l'état d'urgence dans toute la région de Djalal-Abad et dans une partie de la région d'Och, une mobilisation partielle des réservistes de l'armée et ordonné aux forces de l'ordre de tirer sans sommation pour endiguer les affrontements. Les autorités intérimaires du Kirghizistan, arrivées au pouvoir début avril à l'issue d'un soulèvement meurtrier (87 morts) qui a chassé le président Kourmanbek Bakiev, ont été depuis confrontées à plusieurs vagues de violences alors qu'un référendum sur une nouvelle Constitution est prévu le 27 juin. Le ministère de la Défense a annoncé qu'il mobilisait les réservistes de l'armée âgés de 18 à 50 ans. Le gouvernement provisoire a décrété un couvre-feu 24 heures 24 à Och, deuxième ville du pays, et dans deux districts avoisinants, prolongeant cette mesure qui était jusqu'à présent en vigueur durant la nuit. Selon des témoins, la situation à Och était loin de se pacifier et ces derniers font état d'un bilan beaucoup plus lourd que celui annoncé par les autorités. «On ne nous laisse pas ramasser les corps dans les rues. Les autorités cachent l'ampleur de la tragédie et la vérité. Le centre ville est sous le contrôle de bandits enragés», raconte un habitant de Och, sous le couvert de l'anonymat. A Djalal-Abad, la représentante du médiateur de la république pour les droits de l'Homme, Alima Amanova a indiqué qu'environ 2000 personnes, dont certains armés, s'étaient rassemblés à l'hippodrome de la ville. La communauté internationale et les ONG ont appelé au calme, alors que des milliers de réfugiés ont déjà fui les affrontements, se rassemblant à la frontière ouzbek, non loin de l'épicentre des violences. «Les Etats-Unis surveillent de près la situation dans la république du Kirghizstan et appellent à un rétablissement rapide de la paix et de l'ordre public dans la ville d'Och et là où des violences ethniques sont en cours», a indiqué le département d'Etat dans un communiqué. La stabilité du Kirghizistan est primordiale pour Washington qui dispose près de Bichkek, d'une base importante pour ses troupes déployées en Afghanistan. L'ONG de défense des droits de l'Homme, Amnesty international a appelé le gouvernement à protéger «tous les citoyens kirghiz, en particulier ceux d'origine ouzbek qui ont été visés par les violences». Au moins 32.000 adultes et des milliers d'enfants, fuyant les violences interethniques au Kirghizstan, se sont réfugiés en Ouzbékistan voisin, a annoncé hier le chef du ministère ouzbek des Situations d'urgence pour la région d'Andijan (est), Abror Kossimov. «Dans toute la région d'Andijan, 32.000 réfugiés adultes ont été enregistrés», a-t-il déclaré à Iorkichlok, un village où des milliers de personnes, fuyant les violences ethniques dans le sud du Kirghizistan, ont trouvé refuge. Il a précisé que le nombre d'enfants n'avait pas été enregistré mais qu'il y en avait des milliers.