Les prix du blé, du soja et du maïs sont montés cette semaine sur le marché à terme de Chicago, soutenus par des inondations dans certaines régions agricoles du Canada et des conditions météorologiques qui deviennent moins favorables aux États-Unis. "Les nouvelles économiques en provenance d'Europe se sont améliorées, cela a permis au dollar de se replier et a retiré une certaine pression sur les prix", a constaté Bill Nelson, de Doane Advisory Services. "L'argent revient vers les matières premières". Les cours des matières premières (libellés en monnaie américaine) avaient en effet été pénalisés ces dernières semaines par la progression du dollar face à l'euro, qui les rend moins attractives pour les investisseurs munis d'autres devises. Mais la devise européenne, tombée début juin sous 1,20$, est remontée cette semaine à plus de 1,24$. Les matières premières agricoles, plus spécifiquement, ont également été tirées vers le haut par des inquiétudes pour la production nord-américaine. "L'attention s'est portée vers les inondations qui ont eu lieu au Canada, et qui ont eu un impact positif important sur les prix du blé et du soja", produits dans les régions touchées, a expliqué M. Nelson. Aux États-Unis, d'importantes pluies ont perturbé la fin des semis de soja, et désormais, "le marché se montre très nerveux face à la possibilité d'une longue période de temps chaud et sec", a-t-il ajouté. De telles conditions météorologiques dans le Midwest (centre), grenier à grains des États-Unis, pourraient freiner la croissance des cultures, qui ont bénéficié jusqu'alors d'un temps favorable. Notons qu'une récente étude de l'ONU, de la FAO et de l'OCDE prévoit que le prix des aliments pourrait augmenter de 40% dans les dix prochaines années. La demande croissante des pays en développement et la production de biocarburants en seraient les premiers responsables. Bien que les prix des denrées alimentaires aient diminué depuis le pic de 2007-2008, les experts des Nations unies anticipent un ralentissement de la production agricole entre 2010 et 2020 qui pourrait faire exploser le prix de certains aliments: blé, céréales diverses et huiles végétales. La croissance démographique des pays émergents pourrait contribuer à augmenter la pression sur les prix des denrées agricoles. Dans les pays où la demande alimentaire croît le plus vite, les rendements agricoles n'augmentent en moyenne que de 1% par an. Ce sont surtout les biocarburants et leur empiétement sur les terres agricoles destinées à l'alimentation qui sont montrés du doigt. Comme le rappelait Jacques Diouf, directeur de la FAO, dans un entretien au Nouvel Observateur en mars 2010:"La concurrence des biocarburants, c'est l'équivalent de 100 millions de tonnes de céréales qui ne prennent plus le chemin des assiettes mais des pompes à essence." Egalement dans la ligne de mire de la FAO, le changement climatique:"On voit se multiplier des phénomènes extrêmes, sécheresses ou inondations, qui altèrent la production" s'inquiète Jacques Diouf. Alors que la population mondiale augmente chaque année de presque 100 millions de personnes, et que déjà 1 milliard d'êtres humains souffrent de sous-nutrition, les perspectives pour les prochaines décennies sont assez pessimistes. Comment nourrir 9 milliards de bouches en 2050? Pour Jacques Diouf, cela ne passera pas par les OGM, mais plutôt par une simple aide aux pays en développement pour installer des systèmes d'irrigation, construire des routes et des systèmes de stockage. Reste que les biocarburants ont déjà commencé leur colonisation des terres et que certains pays, disposant de peu de terres cultivables, assurent leur future subsistance en achetant des terrains à l'étranger. La Corée du Sud a ainsi conclu un accord avec Madagascar pour occuper une surface de 1,3 million d'hectares (soit la moitié de la superficie de la Belgique) afin d'y produire de l'huile de palme et du maïs.