Une société reliée à un homme d'affaires japonais paie la facture d'hôtel du président de la Commission baleinière internationale (CBI), affirme dimanche 20 juin le Sunday Times dans de nouvelles allégations de corruption à la veille d'une réunion cruciale de l'institut. Selon le journal dominical britannique, "Japan Tours and Travel Inc.", une société américaine reliée à l'homme d'affaires japonais Hideuki "Harry" Wakasa, a réglé par avance les quelque 5 000 euros que coûte le séjour d'Anthony Liverpool, président par intérim de la CBI, à Agadir, la station balnéaire marocaine où débutera lundi la réunion de la commission. Quand M. Liverpool est arrivé à l'hôtel Atlas Amadil Beach d'Agadir dimanche 13 juin, sa note était déjà réglée pour quinze jours, ajoute le Sunday Times. Interrogé par un journaliste de l'hebdomadaire, M. Liverpool n'a pas nié que la société avait payé sa facture mais précisé qu'il ne s'agissait "pas du gouvernement japonais". Les statuts de la CBI précisent que les frais de chaque membre de la commission doivent être payés par le gouvernement de sa nationalité. Le Sunday Times avait déjà il y a une semaine affirmé disposer de preuves établissant que des représentants africains et des Caraïbes avaient admis avoir voté en faveur de la chasse à la baleine après avoir reçu des promesses d'aide du Japon, de l'argent ou des prostituées. La CBI se réunit à partir de lundi à Agadir afin d'étudier un assouplissement du moratoire à la chasse en vigueur depuis 1986, que prône le Japon. A condition de limiter la chasse aux trois pays (Norvège, Islande et Japon) qui la pratiquent actuellement sous couvert de "chasse scientifique", la CBI leur offrirait pour les dix prochaines années des quotas qui légaliseraient leur activité, notamment dans l'océan austral pourtant érigé en "sanctuaire" depuis 1994. Ainsi, toutes les formes de chasse passeraient sous son contrôle. Plus de 1.500 baleines ont été chassées lors de la saison 2008/2009, dont un millier par le Japon, et plus de 30.000 depuis l'entrée en vigueur du moratoire, contre 70.000 par an dans les années 60. Même si le texte sur la table à Agadir prévoit des quotas en baisse, "ils restent trop élevés dans l'hémisphère nord et inacceptables dans l'océan austral", estime un représentant européen. "Le moratoire est un succès, plusieurs espèces sont en train de récupérer, mais il faut maintenir l'effort", souligne Jean-Benoît Charrassin, délégué à la commission scientifique de la CBI. "D'autant que les baleines font face à d'autres menaces comme le changement climatique, les pollutions et surtout les prises accidentelles", jamais répertoriées. Divisée à part égale entre pro et anti-chasse, la CBI, chargée depuis 1946 de gérer la chasse aux grands cétacés, est paralysée: théâtre de violentes empoignades, elle s'avère incapable de dégager un consensus et encore moins une majorité des trois-quarts que ses statuts exigent. Pire, les soupçons de corruption plannent sur ses travaux: selon des reporters du Sunday Times britannique, des représentants africains et des Caraïbes ont admis avoir voté en faveur de la chasse après avoir reçu des promesses d'aide du Japon, de l'argent ou des prostituées. Mais si la baleine soulève tant de controverses, c'est qu'elle représente bien plus, de Jonas au Capitaine Achab hanté par Moby Dick, qu'un gros poisson et des tonnes de protéines. Ces mammifères marins qui communiquent entre eux en chantant émeuvent et portent le débat sur un plan moral: comment peut-on s'arroger le droit de les tuer? D'autant que l'apport alimentaire et économique de la chasse à la baleine reste marginal: "Pour le Japon c'est même une chasse coûteuse, subventionnée, qui mobilise beaucoup de gens (environ 200 équipages) pour un résultat assez maigre", assure Rémi Parmentier du Pew Environment Group. "La chasse à la baleine ne compte pas pour l'économie islandaise", reconnaît Eirikur Bergmann, observateur politique à Reykjavik. "C'est plus une question d'indépendance et de nationalisme". L'Islande pourtant bataille pour le droit d'exporter ses baleines qui, faute de demande intérieure, finissent en patée pour chiens et chats. L'interdiction du commerce international constituera d'ailleurs un autre point dur de la négociation d'Agadir. Or "il faut à tout prix éviter de restaurer une demande en banalisant le commerce des produits baleiniers", juge Vincent Ridoux, qui conduit la délégation scientifique française. La Corée du Sud, qui a interrompu sa chasse avec le moratoire, se tient en embuscade et revendique le droit de la reprendre. Malgré tout, les grandes ONG comme Pew, WWF et Greenpeace estiment un accord possible à Agadir: "C'est ça, ou le statu quo qui ne satisfait personne", relève Susan Liebermann, directrice des politiques du Pew.