En 2008, face à l'escalade des prix, la FAO a lancé une série de projets de livraison d'intrants en faveur des agriculteurs népalais dans le cadre de son Initiative sur la flambée des prix alimentaires. Selon un communiqué de la FAO, cet effort a contribué à accroître les ressources. Un de ces projets, financé par le Fonds central d'intervention d'urgence des Nations Unies, a évité que des milliers de paysans népalais vulnérables ne sombrent davantage dans la pauvreté et la faim. La plupart des familles rurales népalaises survivent grâce à l'agriculture et à l'élevage, comme à Durlung. Elles possèdent de petits lopins de terre (souvent bien moins d'un hectare) et avec un accès irrégulier aux semences de qualité et à l'irrigation, elles ont du mal à produire suffisamment pour nourrir leurs familles toute l'année. Sans compter les conditions météorologiques de plus en plus imprévisibles, les prix élevés des aliments et du carburant et des possibilités limitées de se procurer d'autres revenus, qui ne font qu'accentuer leur précarité. L'an dernier, toutefois, malgré la grave sécheresse de l'hiver 2008/2009 qui a fait sécher sur pied les cultures et aggravé l'insécurité alimentaire, des milliers d'agriculteurs de la région ont dopé leur production vivrière notamment grâce aux semences à rendement élevé et aux engrais fournis par la FAO. Il s'agissait d'un projet d'urgence à court terme, mais de nombreux agriculteurs ont néanmoins pu conserver leurs semences en vue de la campagne de semis de cette année. En collaboration étroite avec le gouvernement et les ONG locales, la FAO est venue en aide à 30 000 familles agricoles vulnérables dans six districts de la région occidentale du pays, ciblant en priorité les agriculteurs possédant moins d'un demi-hectare de terres ou affligés par des pertes de récolte, ou encore les paysans marginalisés pour des raisons de caste ou d'ethnie, ainsi que les ménages dirigés par des femmes. Certaines familles ont reçu des semences de riz ou de maïs en fonction de leur lieu d'habitation, mais toutes ont reçu des semences de légumes de neuf variétés différentes allant de la margose et du gombo au haricot vert et au radis. "Auparavant, les agriculteurs ne cultivaient généralement que des légumes comme les pommes de terre et le chou-fleur", explique Sangita GC, présidente du Rural Environment and Empowerment Center, un des partenaires locaux de la FAO dans le district de Myagdi. "Les familles les plus pauvres n'avaient pas les moyens d'acheter des légumes frais. Désormais, elles consomment davantage de produits frais et sont même en mesure d'en vendre une partie pour se faire un peu d'argent". Resham Kishan, 47 ans, a gagné plus de 800 dollars grâce à la vente de ses excédents de légumes, soit près du double des années précédentes et nettement plus que le revenu familial moyen par habitant du Népal qui avoisine les 500 dollars. Ces recettes supplémentaires lui ont permis de mettre de l'argent de côté pour affronter les urgences. S'il avait pu, des années auparavant, il aurait laissé ses deux filles à l'école, avec leur frère. Saraswati Giri, 39 ans, et son mari Dal Giri, 40 ans, souhaiteraient se consacrer davantage à la culture de légumes hors-saison, plutôt que de riz tout au long de l'année. Les légumes rapportent plus au marché, et cela leur permettrait d'acheter des articles de première nécessité et de continuer à scolariser leurs enfants. "Si nous pouvons financer leur instruction et leur mariage, tout va bien", confie M. Giri qui, comme beaucoup de Népalais, a travaillé à l'étranger pendant plusieurs années pour nourrir sa famille, jusqu'à ce qu'un accident, dans lequel il a quasiment perdu l'usage d'une main, ne le force à rentrer au Népal.Si la famille Giri habite relativement près (45 minutes à pied) des principaux marchés de la zone, d'autres n'ont pas cette chance. "Nous aurions pu vendre le double si nous avions de meilleures routes", déplore un agriculteur de Durlung, Khadka Bahadur Gurung, 44 ans, en se référant aux 150 dollars qu'il a gagnés l'an dernier avec la vente de ses légumes. L'éloignement et l'inaccessibilité de la plupart des villages ruraux du Népal font partie des obstacles les plus épineux à la croissance et au développement, auxquels il faut ajouter l'instabilité politique, le manque d'infrastructures rurales, d'irrigation et de terres arables, et la modification des régimes climatiques. "Le développement agricole a été plutôt négligé par le gouvernement et ses partenaires de développement, souligne Bui Thi Lan, représentant de la FAO au Népal. La principale préoccupation du gouvernement est l'instabilité politique - l'intégration de l'armée, de la sécurité, des élections. Il est plus difficile de mobiliser des fonds pour les activités agricoles que pour celles de déminage, par exemple, ou pour la réinsertion des anciens combattants". Mais avec plus de 3 millions d'habitants nécessitant une aide alimentaire dans un pays enclavé qui était autrefois autosuffisant, les investissements dans l'agriculture se font d'autant plus pressants. Dans tout le pays, les petits agriculteurs, en particulier les paysans sans terres, ont non seulement besoin d'un accès renforcé aux marchés, à l'information et aux services, mais également d'une formation en meilleures techniques agricoles, gestion des sols et des eaux, multiplication et stockage des semences et élevage. Ces investissements pourraient aider grandement les agriculteurs népalais à résister aux chocs futurs et à commencer à renverser la situation pour passer d'un statut de dépendance de l'aide alimentaire à une sécurité alimentaire à long terme.