L'augmentation du capital d'Areva annoncée par l'Elysée sera ouverte non seulement à EDF mais à des partenaires de longue date du groupe nucléaire français, comme Mitsubishi, a indiqué hier la ministre française de l'Economie Christine Lagarde. Cette augmentation du capital d'Areva, plafonnée à 15% et qui devrait intervenir d'ici la fin 2010, "sera ouverte à ceux des partenaires qui sont prêts à entrer et avec lesquels nous travaillons déjà depuis longtemps", a annoncé Lagarde sur RTL. La ministre de l'Economie a notamment cité "Mitsubishi, qui est un partenaire de longue date d'Areva, qui est prêt". "Je pense aussi à des investisseurs du Golfe, le Qatar, le Koweït, qui sont là aussi en négociations", a-t-elle ajouté. Quant à EDF, s'il "veut monter également, il n'y a aucune raison de l'écarter, mais il faut que ça se passe dans le respect de la valeur d'Areva", a jugé Lagarde. EDF détient déjà 2,4% du capital d'Areva, a-t-elle rappelé. Après les revers essuyés à l'étranger par le nucléaire civil français, l'Elysée a décidé de réorganiser la filière nucléaire tricolore en confiant un rôle central à EDF et en le rapprochant de son frère ennemi Areva. L'annonce en a été faite hier mardi par Nicolas Sarkozy, après un Conseil de politique nucléaire qui a examiné le rapport commandé l'an dernier par le chef de l'Etat à l'ancien patron d'EDF François Roussely et remis il y a quelques semaines. Aussi, certains analystes estiment que la place centrale confiée à EDF dans la réorganisation de la filière nucléaire française risque de multiplier les défis pour l'électricien public et de contrarier certains clients d'Areva. "En 'sauvant' l'industrie nucléaire française et en prenant la tête de sa renaissance, nous pensons qu'EDF va aussi se retrouver avec ses problèmes d'héritage", estime Sofia Savvantidou, analyste chez Citigroup. "Nous craignons une destruction de valeur substantielle (...) et nous estimons qu'il serait beaucoup plus raisonnable pour EDF de maintenir un rôle modeste et sélectif sur son marché domestique seulement", ajoute-t-elle. Un autre analyste, basé à Paris, estime de son côté que le partenariat stratégique entre EDF et Areva imposé par l'Elysée pourrait augmenter "les interférences politiques" chez l'électricien et "limiter" sa capacité à choisir d'autres fournisseurs de réacteurs nucléaires d'Areva dans certaines régions. De son côté, Areva bénéficierait de nouveaux moyens financiers grâce à EDF, la montée de l'électricien devant intervenir en supplément d'une augmentation de capital prévue de longue date. Mais certains de ses clients étrangers risquent de ne pas apprécier que leur concurrent EDF affirme son emprise sur le capital d'Areva, dont il détient déjà 2,4%. En outre, si le rapport Roussely sur la filière nucléaire française a confirmé la pertinence du modèle intégré d'Areva, il a également souligné que ce modèle ne dispensait pas "d'achever la rationalisation de la société et une meilleure maîtrise des coûts", alors que le groupe fait face à d'importants surcoûts sur le chantier de l'EPR finlandais. La technologie de l'EPR elle-même devrait d'ailleurs faire l'objet d'une surveillance accrue, le rapport préconisant "un retour d'expérience des chantiers de construction d'Olkiluoto (en Finlande) et Flamanville" avant la construction d'un nouveau réacteur de ce type en France. "Cette dernière recommandation est selon nous la plus polémique du rapport. En effet, le message implicite envoyé aux clients étrangers potentiels est celui que la France ne dispose pas d'une confiance assez grande dans l'EPR pour prendre le risque de débuter la construction d'un 2e réacteur", estime Delphine Brault, analyste chez Oddo Securities. La capacité d'Anne Lauvergeon à s'entendre avec le président d'EDF, Henri Proglio, devrait par ailleurs être décisive alors que les deux dirigeants ont multiplié les accrochages ces derniers mois et que des rumeurs d'éviction de la présidente d'Areva ont circulé.