Après le blé, c'est au tour du coton d'atteindre un prix record sur les marchés mondiaux. En un an et demi, les cours ont plus que doublé, atteignant 0,91 dollar (0,71 €) la livre sur le marché à terme de New York, contre 0,40 dollar en mars 2009. Contrairement à 2008, année de pic pour les matières premières agricoles, en grande partie causé par la spéculation et à l'origine des " émeutes de la faim " dans les pays importateurs, la hausse du prix de l'" or blanc " est cette fois fondée sur le contexte de production. " La base de la hausse des prix n'est pas spéculative. Elle est basée sur les fondamentaux ", explique Didier Mercier, directeur général de la Copaco, société de négoce basée à Paris. Depuis cinq ans, même si les pays producteurs de fibre blanche augmentent leurs volumes, ils n'arrivent pas à suivre la montée de la demande mondiale pour la fibre la plus utilisée dans le monde. Le coton occupe 2,5 % des terres arables du monde, ce qui en fait une des cultures les plus importantes en termes d'affectation des sols après les céréales et le soja. La semaine dernière, les prix du coton se sont un peu repliés au cours de la semaine écoulée à New York après quatre hausses hebdomadaires consécutives, résistant tout de même à une plus forte correction grâce à une demande soutenue. "Même si les achats sur le marché avaient été exagérés d'un point de vue technique, vouant celui-ci à une correction, il a refusé de céder du terrain et continué à afficher de bonnes performances", ont noté les analystes de Plexus Cotton. Dans un contexte de réserves tenues et de demande soutenue, les prix restaient à des niveaux élevés et pourraient bien continuer leur progression après une période de surplace, a estimé John Flanagan, de Flanagan Trading. Le relevé hebdomadaire du département américain de l'Agriculture a ainsi mis en évidence des exportations solides. "Il y a une bonne demande dans le monde pour le coton américain", a constaté John Flanagan. Selon l'USDA, les ventes nettes à l'exportation se sont montées à 461.900 balles la semaine dernière. "Le rythme rapide des ventes exacerbe la pénurie actuelle et retarde le moment où les stocks existants seront à nouveau supérieurs aux engagements pris", ont souligné les analystes de Plexus Cotton. Le pessimisme économique qui régnait sur les places financières a toutefois poussé à la baisse les cours vendredi. Le ralentissement de l'activité économique est le plus grand risque pour la demande de coton, a rappelé Plexus. Le contrat pour livraison en décembre s'échangeait vendredi vers 14H50 GMT (16H50 HEC) à 83,60 cents la livre contre 84,18 cents sept jours plus tôt. L'indice Cotlook A, moyenne quotidienne des cinq prix du coton les plus faibles sur le marché physique dans les ports d'Orient, valait 92,05 dollars, contre 91,15 dollars la semaine dernière. Les stocks sont à leur niveau le plus bas depuis treize ans. La Chine, premier importateur mondial, doit en effet piocher dans ses réserves pour satisfaire les besoins toujours croissants de ses filatures qui tournent à plein régime. L'enjeu pour " l'atelier du monde " est de réussir à alimenter les exportations de textiles, mais également à approvisionner son marché intérieur, en plein boom. Les inondations au Pakistan, quatrième producteur mondial, ajoutent encore à la tension sur les marchés. " En tout, deux millions de balles de coton (une balle = 225 kg) ont été détruites par les inondations. Et la récolte à venir pourrait être diminuée de 10 %, soit 30 millions de tonnes. ça représente un dixième des échanges sur les marchés internationaux ", relève Benjamin Louvet, associé fondateur de la société de gestion de fonds Prim'Finance. La tendance pour les prix est dès lors à la hausse. Et aucun élément ne semble devoir la retourner. " Il n'est pas exclu qu'il y ait de nouveaux aléas climatiques, notamment dans le sud des États-Unis, une grande région de production régulièrement frappée lors de la saison des cyclones ", prévient Didier Mercier. Pour les producteurs, la hausse des prix de ces derniers mois est une bonne nouvelle. " Les prix fixés à New York sur le marché à terme, c'est-à-dire sur la production à venir, jouent directement sur le marché physique ", explique Maxime Jouenne, analyste pour Agritel, société de conseil spécialisée dans les matières premières agricoles. En Afrique de l'ouest, sixième exportateur mondial, les cotonculteurs se frottent les mains. Touchés depuis le début des années 2000 par la concurrence des États-Unis, qui subventionne largement sa production, et desservis par un dollar faible, les pays de la zone franc CFA avaient atteint le plus bas de leur production lors de la dernière campagne, avec 500 000 tonnes de fibres. Or, cette production est essentielle pour les principaux producteurs que sont le Mali, le Tchad, le Bénin et le Burkina Faso. Dans ce dernier pays, l'or blanc fait vivre directement ou indirectement plus de trois millions de personnes. La fibre blanche, récoltée dans la région en décembre, au moment où la fleur du cotonnier s'ouvre, représente environ 60 % des recettes d'exportation et contribue avec les activités associées (égrenage, conditionnement, transport…) pour plus de 25 % à la formation du produit intérieur brut du pays.