En marge des compétitions lyriques du cinquième festival de la musique chaâbi clôturées, hier soir, au théâtre Mahieddine Bachtarzi à Alger, une conférence sur l'historique de la chanson chaâbie a été organisée à l'Institut supérieur de la musique (INSM). Une conférence qui aurait permis de renforcer les acquis didactiques des candidats puisque, selon le commissaire de ce festival (du 25 au 31 août), Abdelkader Bendameche, cette édition mise surtout sur la formation. Lors de cette conférence qui a intéressé de nombreux assistants, le musicologue Nacereddine Baghdadi a soutenu que "le chaâbi est un genre populaire né au début du 20e 1er siècle à la Casbah d'Alger, qui était un espace mythique". Selon le conférencier, la chanson chaâbie sera complètement bouleversée avec l'arrivée de Cheikh Nador. Celle-ci connaîtra des changements au niveau des paroles qui devinrent plus accessibles au large public et des rythmes qui furent plus entraînants. "Cependant, la véritable consécration viendra avec El Hadj M'hamed El Anka, qui au contact de son maître Cheikh Nador et d'autres artistes comme Saïdi et Cheikha Yamna, a réussi à élaborer un genre en introduisant des instruments à gammes tempérées tels que le mandole, le banjo, la guitare et plus tard le piano, le rythme devenu plus présent dans l'orchestre avec l'introduction de la balance", a-t-il relevé. Concernant les paroles, Nacereddine Baghdadi a expliqué qu'en plus des textes anciens, les artistes chantaient des compositions nouvelles de Bensmaïl, El Anka et d'autres paroliers de l'époque. "Ces artistes, tout en intégrant de nouveaux thèmes, en rapport avec la vie de tous les jours, ont préservé cependant le cachet authentique de la chanson chaâbie", a souligné le chercheur, mettant, par ailleurs, en exergue la valeur esthétique de la chanson chaâbie. Intertitre : Le châabi algérois, un genre à part. Il faut savoir que châabi signifie littéralement populaire. Le châabi est considéré donc comme le genre le plus populaire en Algérie. Populaire ne veut pas dire apprécié par un très large public mais plutôt en opposition à la musique savante qui était l'andalou un lyrisme destinée spécialement à l'élite. L'andalou ou la musique savante qui avait un rythme d'ailleurs, lent et très étriqué est issue de la culture arabo-andalouse ottomanisée appelée Malouf à l'Est du pays. C'est Cheikh Nador, qui a su capter et faire fructifier l'héritage du Melhoun, qui devient précurseur du Châabi algérois, que lance El Hadj M'Hamed El Anka, maître et créateur de ce châabi algérien. Ce style de musique était d'abord appelé "medh " puis en 1947 il est définitivement baptisé " chaâbi " par le musicologue Safir El-Boudali. Le chaâbi mêle les instruments orientaux du classique arabo-andalou à d'autres venus de la musique classique occidentale. On y trouve la derbouka (percussions) et le tambourin (Tar), mais aussi le mandole (sorte de grosse mandoline aux sonorités de guitare, munie de quatre cordes doubles en métal), le violon et le banjo, sans oublier le quanoun. Les violonistes de la musique arabo-andalouse et du chaâbi utilisent toujours leur violon à la verticale. Quant au mandole, il a remplacé l'oud, le luth moyen-oriental. Il n'est pas rare d'entendre aussi le piano. En revanche, aucun instrument électrique n'est admis, hormis parfois le clavier (pour les quarts de ton). Les chants du chaâbi, portés par l'idiome algérois, se nourrissent de poésie ancienne mais aussi de textes originaux issus de thèmes actuels. Avec, toujours en toile de fond, l'écho du patrimoine, la plainte ancestrale, la nostalgie du pays. Selon le musicien et joueur d'ukulélé Cyril Lefebvre, " les gens attaquent fort, s'expriment violemment, ce qui rapproche à certains égards le chaâbi du blues ". Dans le chaâbi algérois, le quart de ton est carrément absent, ce qui permet de se passer du luth et de le remplacer par le mondole.