L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) célèbre, demain, à Vienne, son 50e anniversaire, après un demi-siècle durant lequel l'organisation a réussi à conserver un rôle majeur malgré ses divisions et les transformations du marché de l'énergie. "Cet anniversaire vient couronner la volonté, la détermination et le succès durable de l'organisation (...) dans la protection des intérêts souverains de ses Etats membres", a résumé le secrétaire général Abdalla Salem El-Badri, dans un message diffusé avant la rencontre. L'Opep est né le 14 septembre 1960 à Bagdad, à l'issue d'une rencontre entre cinq pays producteurs: Arabie saoudite, Irak, Iran, Koweït et Venezuela. Sa création s'inscrivait dans une dynamique d'émancipation des pays du Sud, sur un marché contrôlé par les compagnies anglo-saxonnes. Un demi-siècle plus tard, l'organisation compte 12 membres, qui extraient près de 40% de la production mondiale d'hydrocarbures et possèdent 70% des réserves prouvées de brut de la planète, de quoi lui assurer durablement une capacité d'influence significative. Basée à Vienne, l'organisation s'est pleinement imposée en octobre 1973 lorsque les membres arabes de l'Opep décrètent un embargo des exportations contre les pays occidentaux soutenant Israël. En quelques mois, les prix du brut quadruplent: ce premier choc pétrolier consacre l'importance de l'Opep et incite les pays industrialisés à fonder l'Agence internationale de l'Energie (AIE) pour défendre leurs intérêts. L'Opep restera ensuite un acteur incontournable même si sa puissance diminue avec l'arrivée de nouveaux acteurs: suite à un nouveau pic des cours du brut en 1979, des pays n'appartenant pas à l'Opep développent de nouveaux gisements (Mer du Nord et golfe du Mexique, notamment). A partir des années 1980, l'Opep représente moins de la moitié de la production pétrolière mondiale. Il établit alors son fameux système de quotas qui lui permettra de peser encore ponctuellement sur l'offre mondiale. La récente crise financière et le ralentissement de l'économie mondiale, qui a fait s'effondrer les prix du baril à quelque 33 dollars en 2008, a représenté un coup de semonce: l'Opep a été contrainte de tailler dans sa production, ses membres appliquant la quasi-totalité (80%) des baisses décidées. "Nos mesures (en 2008-2009) n'ont pas seulement maintenu les prix et restauré un peu de stabilité sur un marché volatil, elles ont aussi conduit à soutenir la reprise économique mondiale. Tout cela confirme le statut de l'Opep comme l'une des institutions les plus influentes dans le monde", se félicite aujourd'hui Abdalla Salem El-Badri. A court et moyen terme, l'Opep peut compter sur ses immenses réserves pour maintenir son rang, surtout si la demande mondiale redémarre avec la reprise économique. Néanmoins, l'Opep fait faceà de nouveaux risques de divisions avec la montée en puissance attendue de l'Irak et s'inquiète des retombées du réchauffement climatique. Selon les experts, le développement du potentiel pétrolier de l'Irak, sur les rails après le lancement d'appels d'offres aux compagnies internationales, pourrait mettre à l'épreuve l'équilibre de l'organisation. "L'enjeu est de taille: entre guerres, sanctions internationales et insécurité, l'Irak n'a pas été en mesure depuis 30 ans, au moins, de développer sérieusement un potentiel pétrolier pourtant considérable", explique Francis Perrin, directeur de la revue Pétrole & Gaz Arabes. Le pays ambitionne de produire d'ici à six ans quelque 12 millions de barils par jour contre 2,5 actuellement, ce qui en ferait le deuxième producteur de l'organisation. "Cela représente un défi majeur pour l'Opep", assure Jean-Marie Chevalier, directeur du Centre de géopolitique de l'énergie à l'Université Paris-Dauphine. Même s'il dispose du potentiel géologique nécessaire, "l'Irak pourrait être satisfait s'il atteint ne serait-ce que la moitié de son objectif dans les dix ans, étant donné les nombreux obstacles et la surchauffe de méga-projets dans ce qui reste une petite économie", tempère Samuel Ciszuk, de l'institut IHS. A plus long terme, l'Opep s'inquiète de la possibilité d'un "pic de demande" des pays occidentaux, qui verrait ensuite leur consommation se replier. "Le monde pourrait se doter de mécanismes fiscaux pénalisant le pétrole: cette menace fait très peur à l'Opep", observe Francis Perrin. "Tout dépendra aussi de l'attitude de nouveaux gros consommateurs, tels la Chine, sur le plan environnemental", ajoute Jean-Marie Chevalier. La disparition de l'Opep n'est pas programmée pour autant. "On a souvent prédit la mort de l'Opep, mais cela s'est toujours avéré pour le moins prématuré... On sous-estime la cohérence de ses objectifs et l'efficacité de son influence sur les prix" quand le cartel se décide à intervenir sérieusement, relèvent les analystes de Barclays Capital. Au cours des cinq à dix prochaines années, la dépendance mondiale à son égard pour l'approvisionnement de brut devrait augmenter, avec la fin de la crise et la reprise de la consommation énergétique mondiale, prédit Nobuo Tanaka, directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Et l'Opep conserve d'importantes capacités de productions inutilisées pour répondre à une demande accrue, à l'inverse de ses concurrents, comme la Russie, la Chine ou les Etats-Unis, dont les installations tournent à plein régime.