Par Mohamed KHIATI, Agronome (*) Ce faisant, la réorganisation opérée au niveau du secteur productif agricole, il y a plus de 20 ans, devrait s'acheminer vers une rupture entre les pouvoirs publics et les producteurs en terme d'orientation de la production, d'injections, de soutien en matière de financement, de prix des intrants agricoles. La logique du profit aurait induit, une nouvelle perception de l'activité agricole elle-même. C'est ainsi que les besoins nouveaux, la modification des systèmes de production, in extenso, toute démarche envisagée par le producteur fait référence nécessairement à une approche monétaire à toute l'activité entreprise. Au delà des faits, cette réorganisation du secteur agricole ne peut s'accommoder d'un système de vulgarisation tel qu'a été établi en 1985 (circulaire 1055 du 31.12.1985 portant mise en place de l'appareil de vulgarisation) en réponse à une économie planifiée, car fonctionnant sur des logiques inconciliables. Aujourd'hui, plus de décennies après, la mise en œuvre de la politique du Renouveau Agricole et Rural constitue, par sa démarche novatrice et par les moyens financiers qu'elle recouvre (1000 milliards de DA à l'horizon 2014), le fait majeur d'une politique de relance qui incite tous les acteurs de l'économie agricole et rurale, en premier lieu les agriculteurs et les éleveurs, les opérateurs d'amont et d'aval, les institutions rurales et en second lieu, les institutions de vulgarisation, de recherche, de formation et de développement publiques ou professionnelles, à mieux répondre aux défis de l'agriculture algérienne tant au plan économique que social ou encore environnemental. La composante " vulgarisation " en tant qu'instrument de mise en œuvre de cette politique devra tendre à fournir à l'ensemble des artisans du développement, les ingrédients "savoirs, connaissances et informations " en vue de les aider à les parfaire au niveau méthodologique de gouvernance des programmes et de leur gestion sur le terrain d'application. De façon générale, et en matière de vulgarisation, il est reconnu que beaucoup de travail a été fourni notamment en terme de transfert technologique en direction des producteurs. Dans ce cadre, les structures de développement agricole et rural, qu'elles relèvent de l'administration (DSA, Instituts de Recherche-développement,Centres de Vulgarisation…) ou de la profession (Chambres d'Agriculture...), se sont constamment investies dans des actions de vulgarisation, inscrites dans leurs projets de développement. S'il est aussi vrai que des résultats plus ou moins positifs ont été enregistrés, les efforts consentis étant souvent dispersés, et ont souvent engendré auprès des structures partenaires, non seulement des doubles emplois, lorsqu'il s'agit de programmation et du choix des thèmes de vulgarisation, mais surtout une mobilisation parfois inefficace de l'encadrement et des charges financières supplémentaires qui, dans le fond, nécessitaient une synergie et une action d'ensemble. A la lumière de tout cela, il revient à dire que les missions et la place de la vulgarisation, dans le contexte actuel du développement agricole et rural, doit nécessairement passer par sa réorganisation dans une optique de satisfaction des besoins des bénéficiaires des offres et des services de la vulgarisation et la réorientation de ses structures qui s'avèrent prendre une tendance d'inadaptation, dans la mesure où l'organisation qui prévalait est devenue obsolète, en raison d'une succession rapide des différentes réformes politiques, économiques et institutionnelles qui ont touché le secteur de l'agriculture. Ceci nous fait clairement comprendre que si, au moment d'avoir décidé de chacune de ces réformes pour le secteur de l'agriculture, on aurait, corrélativement, réclamé une politique de vulgarisation qui puisse adapter ses mécanismes de fonctionnement, par rapport aux changements survenus, celle-ci n'aurait pas accusé, aujourd'hui, autant de retard et tant d'obstacles, aussi complexes les uns que les autres. Les services de vulgarisation de demain se fiant à l'ère de changements enregistrés tant à l'échelle mondiale que nationale, ne pourront ressembler probablement aux services de vulgarisation d'hier et d'aujourd'hui. Le pluralisme sera presque certainement prédominant et plus prononcé vers des formes organisationnelles, des méthodes et des structures institutionnelles. La recherche d'opportunités pour accroître l'efficacité de la vulgarisation doit donc être orientée dans deux domaines : "Premièrement, il s'agit de mieux appliquer les enseignements des dernières années en réalisant les réformes structurelles requises depuis longtemps, portant sur des systèmes de vulgarisation pilotés par la demande et répondant aux besoins du marché. "Deuxièmement, quelques-unes des plus fortes demandes pour plus de vulgarisation proviennent de domaines inattendus: l'accroissement de la fourniture d'informations relatives au climat, l'amélioration de la programmation en matière de sécurité alimentaire, l'évolution de l'agenda de l'aide au commerce et la réforme globale de la recherche agricole pour le développement. Toutes ces questions laissent entendre le besoin d'utiliser les connaissances existantes, mais également d'étudier la nécessité et l'importance de changer les formes de vulgarisation dans le cadre des nouveaux programmes de développement, de l'organisation des aides et des soutiens et, des structures institutionnelles. Enfin, la Journée Nationale de la vulgarisation en dehors de ses aspects d'émulation devra constituer également, pensons nous, une opportunité d'engager la réflexion pour instituer un système de vulgarisation à caractère fonctionnel et opérationnel, répondant à l'exigence d'une agriculture algérienne en plein essor et mutation. Il est ainsi essentiel de promouvoir une perspective plus élargie de ce que représente la vulgarisation parmi les structures de l'Etat, de la profession agricole, du secteur privé, de la société civile et des ONG et voir quels seraient ses rôles et ses missions précisées en adéquations avec la sphère institutionnelle de l'évolution de l'agriculture et des attentes des populations rurales . Il faut définir la gamme de stratégies, de structures, d'organisations, de méthodes et des outils qui sont nécessaires pour gérer une diversité de rôles et pour atteindre les différents groupes de producteurs dont les besoins sont souvent multiples, complexes et hétérogènes. En outre, il est nécessaire de soutenir les organisations de producteurs pour qu'elles représentent le moteur de ce processus en assumant un rôle actif et crucial dans l'établissement des agendas pour des institutions de vulgarisation, de recherche et de formation et apprentissage. Le Débat sur la vulgarisation agricole pour sa mobilisation pour la sécurité alimentaire est ainsi ouvert. A chacun d'apporter des éléments de réponse en vue d'instituer un système efficient, rationnel à caractère opérationnel dans l'optique d'une synergie, d'une coordination des efforts pour la promotion de l'agriculture et de son soubassement, le monde rural. (*) Spécialisé en vulgarisation agricole et communication pour le développement