L'organisation américaine Human Rights Watch a publié vendredi à New York un rapport accablant sur l'attaque des forces marocaines contre le camp sahraoui de Gdeim Izik, près de la ville d'El Ayoun, à l'issue d'une enquête menée sur les violations des droits de l'homme lors et après le démantèlement de ce camp. Mme Sarah Leah Whitson, chargée de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord auprès de Human Rights Watch a indiqué qu''un tel comportement et les violences exercées contre des Sahraouis lors des gardes à vue ne pourraient être considérés comme actes légitimes pour prévenir ou arrêter des manifestants qui ont eu recours à des jets de pierres''. Rapportant les témoignages d'avocats sahraouis spécialisés dans les droits de l'homme à El Ayoun, Human Rights Watch souligne que dans la foulée de l'attaque militaire du 8 novembre, ''les responsables de sécurité marocains ont arrêté des centaines de Sahraouis, plus d'une centaine d'entre eux sont toujours détenus. Neuf autres ont été transférés à Rabat pour une enquête par un tribunal militaire''. A propos de l'accès retreint à l'information, cette organisation note qu'après le démantèlement du camp, les autorités marocaines ont "limité les accès" à El Ayoun, "permettant à peu de journalistes ou de représentants d'organisations non gouvernementales de rejoindre cette ville, dont un grand nombre a être refoulé.'' Par ailleurs, l'ONG souligne avoir indiqué au ministère marocain de l'Intérieur qu'elle disposait d'''éléments de preuve que les forces de sécurité marocaines avaient ouvert le feu dans la ville d'El Ayoun et qu'elles avaient mené des attaques violentes contre les Sahraouis'', ajoutant que "le gouvernement marocain a annoncé, sur la base du rapport de Human Rights Watch, que le procureur de la cour d'appel d'El Ayoun avait ouvert une enquête''. A ce propos, Human Rights Watch soutient qu'elle a ''l'intention de surveiller toute enquête officielle, de même que le traitement accordé aux victimes de violence qui déposent plainte''. Sur les différents corps des forces de sécurité marocaines impliqués dans la répression, cette organisation cite la gendarmerie, les forces auxiliaires, les forces de police et les unités spéciales anti-émeutes (groupes d'intervention rapide). En outre, la mission d'enquête de Human Rights Watch a identifié les abus commis par les forces marocaines, précisant que ''parmi les Sahraouis qui ont apporté leurs témoignages, certains ont demandé que leur nom ne soit pas cité de peur de représailles''. Aussi, Human Rights Watch a exhorté les autorités marocaines à ''informer immédiatement les parents sur chaque personne placée en garde a vue, comme l'exige le code de procédures pénales marocain dans son article 67''. Le rapport note, aussi, que les Sahraouis détenus dans la prison d'El Ayoun ont fait l'objet d'enquêtes sur de fausses accusations telles que ''constitution d'une bande criminelle dans le but de commettre des crimes contre des personnes et des biens, possession d'armes, destruction de biens publics, et participation à la prise d'otages et la séquestration de personnes, à mettre le feu à des bâtiments, à l'usage de la violence contre les membres des forces de l'ordre entraînant blessures et mort, et à des rassemblements armés''. Ahmed Salem Jadahlou, 34 ans, a déclaré a Human Rights Watch qu'il était arrivé au camp de protestation Gdeim Izik dans la soirée du 7 novembre, après avoir fait une longue route puisqu'il venait d'Espagne. Le matin de la répression, des gendarmes du camp l'ont arrêté et menotté, puis battu à coups de bottes jusqu'à ce qu'il perde connaissance. "Par la suite, environ 30 ou 40 d'entre nous ont été mis à l'arrière d'un camion de gendarmerie. Chacun d'entre nous était menotté les mains derrière le dos. Ils nous ont jeté à l'intérieur du camion comme du bétail. Certains d'entre nous avaient des blessures à la tête, et nous saignions tous. Ils nous ont mis les uns sur les autres et nous ont laissé ainsi pendant une heure ou deux, nous ordonnant de garder la tête baissée'', rapporte-t-il. Jadahlou ajoute que lorsque le camion est arrivé El Ayoun, ''les hommes ont été traînés par les pieds et dirigés vers la gendarmerie tout en recevant des coups de poing et coups de pied et gardés dans une pièce qui contenait 72 détenus''. Leila Leili, une militante sahraouie de 36 ans arrêtée devant le domicile de son père le 9 novembre, a souligné à Human Rights Watch que les policiers l'ont détenue pendant plusieurs heures, puis transférée au commissariat central ou des policiers l'ont battue a coups de bâtons sur la tête et le dos et lui ont ordonné de prononcer des slogans pro-marocains tels ''vive le roi'' et dire que ''je suis marocaine''. Human Rights Watch précise que ses représentants ont visité les quartiers d'Essalam et de Colomina Nueva où de nombreuses maisons de Sahraouis ont été attaqués par des groupes comprenant des membres des forces de sécurité et des civils marocains qui ont saccagé les maisons, les équipements et volé des ordinateurs et des bijoux. Par ailleurs, Human Rights Watch rapporte que la police avait battu un assistant de Human Rights Watch à El Ayoun, Brahim Alansari, qui était en compagnie de John Thorne, le correspondant a Rabat du quotidien d'Abou Dhabi en langue anglaise ''The National''.