Le rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation de l'ONU, Olivier Schutter, s'est alarmé mercredi d'une hausse des prix des denrées alimentaires "très dangereuse" pour certains pays pauvres comme ceux du Sahel, dans un entretien au quotidien économique Français "Les Echos". Selon lui, 80 pays environ sont en situation de déficit alimentaire. Les zones les plus menacées par la crise étant les pays du Sahel. Les stocks ont été regarnis en 2008 et 2009 mais l'écart entre la réalité des stocks et l'évolution des prix sur les marches est parfois considérable, a-t-il dit. En ce sens, "nous vivons aujourd'hui le début d'une crise alimentaire similaire à celle de 2008" s'inquiète Olivier Schutter en référence à l'explosion des prix des produits alimentaires durant cette année-là. L'indice mesurant les évolutions des prix des céréales, oléagineux, produits laitiers, viande et sucre est au plus haut depuis sa création en 90 a récemment annoncé la FAO. "Aujourd'hui comme en 2008, il n'y pas de problème de pénurie, mais si des informations sur des incendies en Russie ou des pluies fortes au Canada ou autres s'accumulent, certains opérateurs du marché préfèrent ne pas vendre tout de suite, tandis que les acheteurs, cherchent à acheter autant que possible", a-t-il dit. "Si tout le monde fait ça, les prix augmentent" résume Schutter qui propose d'encourager les pays à reconstruire des stocks alimentaires pour baisser les prix. Pour l'expert l'augmentation récente des prix des denrées alimentaires, en particulier des céréales, pourrait bien annoncer une crise alimentaire semblable à celle connue en 2008, et marquée - est-il besoin de le rappeler ? - par des émeutes de la faim particulièrement violentes. Paradoxe : la crise alimentaire de 2008 n'était pas imputable à une baisse de la production, mais plutôt à une augmentation plus importante de la consommation (en particulier dans les pays émergents comme l'Inde ou la Chine), à une utilisation accrue des céréales pour nourrir le bétail (36% de la production céréalière en 2007 !) ainsi qu'à une flambée de la spéculation sur les matières premières. Aujourd'hui encore, on est loin de se trouver dans une situation de pénurie. Le problème réside en grande partie dans la transmission d'information erronée sur les marchés financiers, qui notamment amplifient considérablement les effets des catastrophes naturelles sur le volume de production (c'est ce qui s'est passé avec les incendies qui ont eu lieu en Russie, ou les fortes pluies au Canada) et font ainsi monter les prix. Ce phénomène est relativement nouveau : depuis 2005-2006, la libéralisation des marchés des produits dérivés aux Etats-Unis a provoqué " un boom de la spéculation sur les matières premières, auparavant régulée par l'intermédiaire des marchés à terme qui assuraient une certaine stabilité des prix. Le prix des céréales, excellent indice de l'augmentation actuelle des prix des denrées alimentaires parce qu'aliment de base, est révélateur de l'ampleur de la crise : 100 euros la tonne début juillet 2009, 220 euros aujourd'hui et bientôt " peut-être 300 euros " pour Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture. L'utilisation croissante des céréales pour la fabrication d'agro-carburants est également mise en cause car elle réduit considérablement la quantité disponible pour l'alimentation. Mais les efforts sont surtout à faire pour soutenir l'agriculture vivrière et les petits producteurs des pays dans une situation d'insécurité alimentaire, et qui pâtissent des investissements réalisés dans les grandes plantations. D.T.