Synthèse de Reda Cadi «Les stocks ont été regarnis en 2008 et en 2009, mais l'écart entre la réalité de ces stocks et l'évolution des prix sur les marchés est parfois considérable. En ce sens, nous vivons aujourd'hui le début d'une crise alimentaire similaire à celle de 2008 […]. Quatre-vingts pays environ sont en situation de déficit alimentaire. Une hausse très dangereuse pour ces pays. C'est pourquoi il ne faut pas répéter les erreurs commises il y a trois ans», a déclaré, mardi dernier, le rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation de l'ONU, Olivier de Schutter, dans les colonnes du quotidien économique français Les Echos. En 2008, suite à la flambée des prix des produits alimentaires sur le marché mondial, des émeutes de la faim ont éclaté dans une trentaine de pays dans le monde.Selon le rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation de l'ONU, les zones les plus menacées par une crise alimentaire sont les pays du Sahel «parce qu'ils sont en situation de déficit alimentaire», assure-t-il. L'augmentation du prix des matières premières agricoles fragilise aussi des pays pauvres comme le Mozambique, «qui ont peu de réserves de devises», ajoutera-t-il. Des pays d'Asie centrale, comme l'Afghanistan et la Mongolie, sont aussi dans une situation «très fragile». La Corée du Nord n'est pas non plus épargnée, assure le responsable onusien. «Aujourd'hui comme en 2008, il n'y a pas de problème de pénurie. Mais, lorsque des informations sur des incendies en Russie, une canicule en Ukraine, des pluies trop fortes au Canada ou autres s'accumulent, certains opérateurs de marché préfèrent ne pas vendre tout de suite, tandis que les acheteurs cherchent à acheter autant que possible. Si tout le monde fait ça, les prix augmentent», résume M. de Schutter. Il propose d'encourager les pays à reconstituer des stocks alimentaires pour «lisser les prix». «Si les réserves sont gérées avec les organisations paysannes, cela protégera producteurs et consommateurs contre des prix très volatils», avance Olivier de Schutter. Il appelle également à imposer davantage de transparence sur les opérations de gré à gré sur les marchés des dérivés où, selon lui, «92 % des opérations se déroulent dans l'opacité». L'indice mensuel de la FAO crée en 1990 et qui mesure les variations de prix d'un panier de produits incluant céréales, oléagineux, produits laitiers, viande et sucre, s'est établi à 214,7 points le mois dernier, contre 206 en novembre, et au-dessus de son précédent record à 213,5 points en juin 2008. Mercredi dernier, la FAO a indiqué que cet indice est au plus haut depuis sa création en 1990 et que les prix alimentaires mondiaux ont atteint, en décembre dernier, un nouveau record dépassant les sommets atteints en 2008 et enregistrant leur sixième mois consécutif de hausse, dopés par le renchérissement du sucre, des céréales et des oléagineux.Mardi dernier, le ministre français de l'agriculture, Bruno Le Maire, a plaidé pour un «encadrement et une limitation de la spéculation» sur les matières premières agricoles, ainsi que pour une meilleure coordination entre Etats. «La question de la volatilité des prix agricoles n'est pas accessoire, c'est un sujet qui nous concerne tous», a-t-il déclaré. L'année 2010 a été marquée par une sécheresse inédite en Russie, la forçant à suspendre ses exportations de céréales, ce qui a provoqué une flambée des prix du blé qui ont doublé en trois semaines, a indiqué le ministre. Le prix de la tonne de blé tourne autour de 220 euros aujourd'hui, contre 100 euros début juillet 2009, et il «sera peut-être à 300 euros» bientôt. Plus récemment, les inondations dans le Queensland, en Australie, commencent à se ressentir sur les prix de plusieurs produits d'exportation, qui risquent d'affecter particulièrement les marchés asiatiques (Inde, Bangladesh et Japon en tête). Canberra prévoit d'ores et déjà de réduire de 25% ses exportations de sucre en 2011.