Par : Mourad HAMDAN (Consultant en management) Il y a un an, le FMI estimait à 2.800 milliards de dollars les pertes globales qu'aurait à subir le secteur financier. Il y a environ six mois, le chiffre avait été corrigé à 2.300 milliards. Aujourd'hui, la facture ressort à 2.200 milliards. Conséquemment à cette perte colossale, les problèmes principaux auxquels est confronté actuellement le G-20 sont la réduction des déséquilibres financiers, la surveillance des déséquilibres des comptes courants des Etats, la promotion d'une stabilité maximale entre les principales monnaies par un apaisement des différends sur les taux de changes et l'élaboration d'un nouvel ordre économique mondial fondé sur une reprise économique"globale, forte et durable"à la fin du troisième trimestre 2010 aux Etats-Unis. Est-ce envisageable, ambitieux ou tout simplement un vœu pieux ? Endettements publics mondiaux La balance des paiements courants a atteint un déficit de 514, Le déficit du secteur public (Etat fédéral, Etats particuliers et communes) atteignait à la fin de l'année budgétaire (le 30 septembre 2010) 1.652 milliards, soit un total déficitaire de 2.166 milliards de dollars contre 1.253 milliards de dollars l'année précédente. Le déficit jumeau s'établit à 14,5% du PIB américain. Chaque jour, c'est un déficit de 5,8 milliards de dollars qui doit être financé. Les besoins de refinancement en 2011 sont estimés à environ 30% du PIB américain, chiffre le plus élevé au monde, juste derrière le Japon. La Fed a estimé, dans son "Flow of Funds Matrix of 2009" le total du passif ou "total liabilities" des Etats-Unis à 114.428 milliards de dollars. A titre de comparaison la valeur nominale du PIB américain est de 14.575 milliards. Ces chiffres ahurissants prouvent que le gouvernement américain dépense et s'endette encore plus rapidement que par le passé. La dette publique aux Etats-Unis atteignait environ 1 000 milliards de dollars lorsque Greenspan a pris les rênes de la Fed en 1987 et à présent, elle se monte à 13.473 milliards de dollars (10.300 milliards d'euros) contre 11.456 milliards de dollars il y a un an. Durant la présidence de George W. Bush, l'administration US avait déjà dépensé plus d'argent depuis 2000 que tous les gouvernements passés à la Maison-Blanche depuis George Washington. Et ce n'est pas près de s'arrêter avec l'administration Obama et ses plans de relance vertigineux... Les 800 milliards de dollars du fameux programme de relance des grands travaux d'infrastructures, de sauvegarde des services publics dans les Etats exsangues et de dégrèvements fiscaux sont déjà presque totalement dépensés. Et d'après certains calculs, 8 500 milliards de dollars devraient venir s'ajouter à la dette nationale américaine d'ici 2020 pour la porter à plus de … 22 000 milliards de dollars. Les dettes américaines augmentent plus rapidement que le PIB et ne pourront jamais être remboursées ! En Europe, au total 4.589 milliards d'euros d'aides publiques ont été mises à disposition du secteur financier depuis octobre 2008 et le début de la crise bancaire, selon un état des lieux publié récemment par la Commission européenne. Bruxelles précise que les aides utilisées ont atteint 957 milliards en 2008 et 1.107 milliards en 2009, dont 76% pour des garanties. Elle ne donne pas de chiffres pour 2010. Pour refinancer les banques européennes 700 à 800 milliards d'euros sont nécessaires et les besoins en capitaux des Etats de l'UE pourraient être de l'ordre de 800 milliards d'euros. Le FMI constate qu'en 2010 et toujours dans la zone euro, les banques ont émis beaucoup moins de dette qu'elles n'en ont vu arriver à échéance. "Résultat: plus de 4.000 milliards de dollars devront être refinancés dans les 24 mois" par le secteur financier mondial. Le montant est colossal. Et il est d'autant moins sûr que les établissements puissent tous avoir accès au marché puisqu'ils seront en compétition avec… les Etats. Même constat pour le Royaume-Uni: le déficit public du pays s'est creusé plus que prévu [en novembre 2010 à titre d'exemple, il s'était établi à 16,8 milliards de livres (19,8 milliards d'euros), soit 2 milliards de plus qu'en novembre 2009]. Dans le même temps, la dette publique totale s'est logiquement creusée, atteignant 65,2% du Produit intérieur brut (PIB), contre 59,5% un an plus tôt. En huit mois, depuis le début de l'exercice budgétaire 2010 en avril, le déficit a atteint 83,2 milliards de livres, soit exactement le même niveau que l'année précédente malgré les efforts annoncés pour combler le trou des comptes de l'Etat. Au Japon, la dette publique mesurée en pourcentage du PIB est la plus importante au monde, environ 225%. Ce pays doit emprunter environ 50% de son PIB, simplement pour rester solvable (source : FMI). Les besoins de refinancement pour l'année prochaine sont estimés à près de 60% du PIB (voir schéma ci-dessous). Enfin et selon le FMI, la dette publique accumulée par les pays de la planète vient de dépasser les 40.600 milliards de dollars US. Changement de la nature de la crise Mais la crise a changé de nature. Avec les subprimes, elle laminait la valeur des actifs des banques. Désormais, ce sont leur passif, leurs ressources, qui sont en danger. Avec la crise des subprimes, ce n'est pas un pan de l'économie US qui a été touché (comme ce qui a pu se passer lors de la bulle internet), c'est le fondement même du modèle économique occidental - la consommation à crédit - qui a été mis à bas. La Fed (banque centrale américaine) maintient son objectif de taux d'intérêt au jour le jour tout près de zéro depuis décembre 2008 et elle a racheté pour environ 1.700 milliards de dollars d'emprunts du Trésor et de titres de crédit immobilier pour favoriser la baisse des coûts du crédit. Ces achats de titres longs du Trésor ont très clairement pour objectif d'agir pour relever les anticipations d'inflation afin de réduire le plus possible les taux d'intérêt réels ex ante et ainsi affecter les comportements des acteurs économiques. Des taux réels anticipés à un faible niveau (voire même négatifs) incitent à dépenser maintenant plutôt que d'attendre, facilitant ainsi la reprise de la croissance (à condition que le mouvement s'inscrive dans la durée pour réellement infléchir les comportements). La Fed et les autorités américaines sont au pied du mur. Elles n'ont pas d'autre choix : pour lutter contre la récession actuelle, elles doivent imprimer des dollars... et maintenir les taux d'intérêts au plus bas possible. En août 2008, la monnaie créée directement par la banque centrale américaine représentait 871 milliards de dollars. En février 2009, elle avait atteint 1.587 milliards et, aujourd'hui, elle se dirige vers les 2.700 milliards. Le QE1 a été un échec. Les banques ont été sauvées, mais la consommation n'a pas repris. L'argent injecté par la Fed a surtout servi à alimenter la spéculation et le boom des marchés actions depuis début 2009. Le chômage aux USA s'est installé durablement autour des 10% avec pour conséquence une frilosité pour la consommation. La Fed a donc dégainé son QE2 qui prévoit le rachat de 75 milliards de dollars d'obligations souveraines par mois, et ce jusqu'à juin 2011. Soit un total de 600 milliards de dollars avec pour objectif la baisse du coût des bons du Trésor à long terme. La conséquence directe de ce mouvement d'une ampleur spectaculaire sera que des taux bas entraineront un effondrement encore plus grave du dollar, une dette de crédit plus élevée encore et de moins en moins de confiance en l'économie US à l'étranger. Hold- up du siècle pour financer l'Amérique Le dollar conserve le statut de monnaie de réserve, ce qui permet aux Etats-Unis de financer quasiment sans limite leurs déficits colossaux par la création monétaire depuis 1945. La planche à billets chauffe à produire tous ces dollars. Une monnaie imprimée à un tel rythme, conserve t- elle la même valeur ?