La folie meurtrière du colonialisme français n'a épargné, en ce jour du 8 mai 1945, ni Sétif où furent atrocement réprimés dans le sang un rassemblement et une manifestation pacifiques, ni Guelma où le sous-préfet André Achiary fit poursuivre jusque dans leurs douars, pour les exécuter froidement, des Algériens désarmés et ni Kherrata où des centaines d'innocents furent jetés sans ménagement du haut des gorges de Châabet El Akhra et bien d'autres zones et régions témoins vivants des atrocités infligées par le colonisateur. " C'est ainsi que la zone de Fedj M'zala et plusieurs de ses dechras, comme les douars Lemnar, Tassdane et Lâayadhi, font partie des régions qui furent soumises, dès le 9 mai, à la folie meurtrière de l'armée coloniale et de sa légion étrangère ainsi qu'à celle des milices constituées de colons qui lui prêtèrent main forte, assure le jeune chercheur Sadek Mokrani, responsable de la section de Mila de la Fondation du 8-Mai 1945. “Dès le début de l'après-midi de ce 9 mai”, ajoute pour sa part Brahim Alliouche qui participa à l'insurrection avant d'être emprisonné au pénitencier de Tazoult (ex-Lambèse, près de Batna), plusieurs centaines d'Algériens de la plaine de Fedj M'zala et de ses alentours se regroupèrent sur le pont de Bouslah, à quelque 800 mètres de la ville". Ce flot compact "d'indigènes", constitué essentiellement de fellahs, ayant eu vent, selon Brahim Alliouche, "des horribles tueries commises la veille à Sétif" et armés, "qui de gourdins, qui d'armes blanches rudimentaires, qui encore de quelques fusils de chasse", entendant "réagir aux ignobles massacres perpétrés la veille". Conduits, selon plusieurs témoins, par Amar Alliouche, les insurgés décidèrent d'attaquer, "à minuit le bureau de poste et le bâtiment administratif de Ferdjioua". Les combattants, assure Brahim Alliouche, mirent leur plan à exécution, saccagèrent et incendièrent le bureau de poste, avant de s'attaquer au bâtiment administratif qui abritait le siège de la commune mixte de Fedj M'zala et où se réfugièrent dans sa cave "102 personnes entre militaires, colons et une poignée d'Algériens". Malgré leurs capacités de résistance, leurs provisions et leurs munitions, les assiégés du bâtiment administratif cédèrent toutefois, devant la farouche détermination "d'hommes armés de gourdins et de tromblons antédiluviens", à la panique, conduisant le juge de paix, Charles Vallée, à demander du secours à la Gendarmerie française stationnée à Redjas (non loin de Ferdjioua) et aux forces militaires basées à Constantine. Ces dernières, par l'entremise de leur commandant, le général Duval, lui demandèrent de "résister et de patienter jusqu'à la levée du jour", car, confie Brahim Alliouche, "les militaires dépêchés de Constantine, étaient trop occupés à mater, dans un indicible bain de sang, la rébellion de Saint-Arnaud (El Eulma)". Mais le siège du bâtiment, devenu l'unique bloc de retranchement de la diaspora coloniale locale, reprit de plus belle vers 2 heures du matin, raconte encore Brahim Alliouche. Malheureusement, les habitants de Fedj M'zala, de douar Lemnar, de Tassdane, de Lâayadhi et d'autres dechras de la région payeront chèrement leur "audace" d'avoir osé s'en prendre à l'ordre colonial. Des jours durant, ils subiront des représailles impitoyables et sanglantes qui causeront la mort de près de 600 personnes et l'arrestation de 300 autres. En septembre 1945, au tribunal militaire de Constantine, nombreux parmi ceux-ci seront condamnés à des peines allant de la réclusion à perpétuité à 20 années de prison. Salah Touil sera l'un des rares à bénéficier d'une réduction de peine, après avoir été condamné à la peine capitale, et sera élargi à l'indépendance. Ceci dit, l'administration coloniale n'oubliera pas, la belle leçon de bravoure que lui donnèrent quelques centaines de descendants des Kotamas, dans la nuit du 8 au 9 mai 1945.