La contestation se maintient en Egypte. Des milliers de manifestants se sont à nouveau rassemblés, dimanche matin dans le centre du Caire, pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak et contester sa décision de nommer un vice-président. "Moubarak, Omar Souleimane (le nouveau vice-président), Ahmed Chafic (le Premier ministre) doivent tous partir. ça fait 30 ans que ce régime est au pouvoir, ça suffit", a pesté un manifestant disant appartenir à la Gamaa Islamiya, des islamistes radicaux. Dimanche midi, la police était invisible dans les rues du Caire. Seule l'armée était mobilisée. Néanmoins, la ville fait face aux pillages. Des habitants se sont regroupés en milices pour se protéger. L'armée, que le président Moubarak a donc appelé à la rescousse pour rétablir le calme, s'est déployée devant les principaux bâtiments officiels de la capitale, mais des quartiers entiers sont livrés à eux-mêmes. En outre, plusieurs milliers de prisonniers se sont évadés d'une prison du nord de la mégalopole. Une trentaine de membres des Frères musulmans ont également pu sortir de leur prison près du Caire, abandonnée par ses gardiens. Près d'une autre prison, des dizaines de corps gisaient sur la chaussée après des violences commises dans la nuit.Hier matin, le ministre égyptien sortant de l'Information Anas el-Fekki a ordonné l'interdiction de la chaîne satellitaire Al-Jezira, qui couvre les évènements. La chaîne a dénoncé cette décision qui "vise à censurer et faire taire les voix du peuple égyptien". Les relations ont toujours été difficiles entre Al-Jezira et le gouvernement égyptien, qui l'accuse de partialité. Le signal satellitaire a été arrêté à la mi-journée, a annoncé la chaîne.En ce moment de troubles profonds dans la société égyptienne, il est impératif que les voix de toutes les parties soient entendues. La fermeture de nos bureaux par le gouvernement égyptien vise à censurer et réduire au silence les voix du peuple égyptien", ajoute le communiqué. La télévision publique égyptienne a annoncé la fermeture des bureaux d'Al-Jazira, sans en préciser les motifs. Les autorités égyptiennes ont cependant accusé par le passé la chaîne qatarie de sensationnalisme et de parti pris. Aussi, plusieurs pays et organisations mondiales et régionales se sont déclarés préoccupés par les manifestations en Egypte, appelant le président Hosni Moubarak à "engager un processus de changement" face aux "revendications légitimes" du peuple égyptien. Dans un communiqué conjoint, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France ont exprimé leurs préoccupations face au puissant soulèvement populaire entamé depuis mardi dernier en Egypte, appelant le président égyptien à "engager un processus de changement" face aux "revendications légitimes" de son peuple et à "éviter à tout prix l'usage de la violence contre des civils". Berlin, Londres et Paris jugent "essentiel que les réformes politiques, économiques et sociales à venir que le président Moubarak a promis soient mises en œuvre pleinement et rapidement et qu'elles répondent aux aspirations du peuple égyptien". A leur tour, les Etats-Unis ont appelé les autorités égyptiennes à la retenue contre la violence. Lors de sa réunion samedi avec ses conseillers de la sécurité nationale consacrée à la situation en Egypte, le président américain Barack Obama ''a réitéré son opposition à la violence", selon un communiqué de la Maison Blanche. Le président Obama a appelé à la retenue et au respect des droits universels et "soutient des mesures concrètes qui font avancer la réforme politique en Egypte", selon le texte. Depuis Addis-Abeba (Ethiopie), où il assiste au 16e sommet de l'Union africaine (UA), le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a appelé dimanche l'Egypte à "la retenue, à la non violence et au respect des droits fondamentaux". L'UA, a par la voix de Jean Ping, exprimé samedi ses préoccupations face aux événements en Egypte. "A la suite de ce qui s'est passé en Tunisie, nous observons tout ce qui se passe ailleurs, et nous sommes préoccupés", a souligné M. Ping, président de la commission de l'organisation panafricaine. Préoccupée par les violentes manifestations qui secouent l'Egypte depuis six jours, l'Union européenne (UE) a appelé à "l'arrêt de la violence pour stopper les effusions de sang". "J'appelle à l'arrêt de la violence pour stopper les effusions de sang, à la libération de tous ceux qui ont été arrêtés ou sont assignés à résidence pour des raisons politiques", a indiqué dans un communiqué le président de l'UE, Herman Van Rompuy. Ce dernier a ajouté "sincèrement espérer que les promesses d'ouverture du président Moubarak vont se traduire en actions concrètes". Sous la pression de la rue égyptienne, le président Hosni Moubarak a procédé samedi à la nomination de Ahmed Chafik au poste de Premier ministre, après la démission du cabinet de Ahmed Nadhif. Le président Moubarak a nommé aussi Omar Souleimane au poste de vice-président, un poste premier du genre depuis l'arrivée de Moubarak au pouvoir en 1981. Ces changements au pouvoir restent toutefois "insuffisants" pour l'opposition (les Frères musulmans et Mohammed El-Baradei) qui réclament des réformes radicales insistant sur le départ du président Moubarak. Depuis mardi dernier, l'Egypte est le théâtre d'un puissant soulèvement populaire marqué par des affrontements avec l'armée, qui ont fait au total au moins 102 morts, dont 33 samedi, selon des sources sécuritaires et médicales. Réclamant des réformes politiques et sociales, des centaines de milliers d'Egyptiens poursuivaient, hier, leur mouvement de protestations bravant le couvre-feu imposé par les autorités depuis vendredi dans les grandes villes comme Le Caire, Suez, Ismaïly et Alexandrie. Un climat d'anarchie régnait en Egypte en dépit d'une forte présence de l'armée déployée dans les principales villes, où des magasins, des commerces ont été saccagés et des bâtiments officiels ont été incendiés.