Mourad HAMDAN (Consultant en management) Dans un état-nation, le pouvoir n'est plus héréditaire mais exercé par des dirigeants censés représenter le peuple, et désignés par des élections (état-nation démocratique), ou par un système de cooptation au sein d'un parti unique (état-nation totalitaire).
4 - L'ère des conglomérats économiques ére initiée à partir de 1954, mise en place au cours des années 70 et 80, et pleinement opérationnelle à partir des années 90. Le pouvoir n'y est plus de type représentatif ou électif, et il n'est plus localisé géographiquement (contrairement aux tribus, aux royaumes, et aux états-nations). Il est exercé directement par ceux qui contrôlent le système financier et la production des marchandises. Les instruments de ce pouvoir sont le contrôle de la technologie, de l'énergie, de la monnaie, et de l'information. Comme tout nouveau pouvoir, il s'érige en remplacement du pouvoir précédent, voué à disparaître. Enfin, ce nouveau pouvoir est global, planétaire. Il n'a donc ni alternative, ni échappatoire. Il constitue un nouveau niveau d'organisation de la civilisation, une sorte de super-organisme. La résolution des grands problèmes écologiques, économiques et sociaux nécessite effectivement l'avènement d'une forme de pouvoir global. De même, l'unification du monde par l'économie et le déclin des états-nations ont été décidés en partie pour une noble cause: rendre impossible une nouvelle guerre mondiale qui, à l'ère atomique, signifierait la fin de la civilisation. Mais la question est de savoir au service de quels objectifs et de quels intérêts ce pouvoir global doit-il être, par qui doit-il être exercé, et par quels contre-pouvoirs doit-il être contrôlé et équilibré ? La mondialisation (ou " globalisation ") n'est pas négative en elle-même. Potentiellement, elle peut permettre l'établissement d'une paix mondiale durable et une meilleure gestion des ressources. Mais si elle continue d'être organisée au bénéfice d'une élite et si elle conserve son orientation néolibérale actuelle, elle ne tardera pas à engendrer un nouveau type de totalitarisme, la marchandisation intégrale des êtres vivants, la destruction totale de la nature, et des formes inédites d'esclavage. Mensonges du libéralisme Il est instructif de citer certaines contre - vérités du libéralisme. Parmi lesquelles on notera : "Le libéralisme, c'est plus de choix et des meilleurs prix pour le consommateur" FAUX: Selon le dogme libéral lui-même, le libéralisme ne peut fonctionner que si il existe une concurrence suffisante de l'offre. Or dans les faits, le capitalisme libéral tend vers la concentration et la formation de monopoles qui éliminent toute concurrence, réduisent le choix du consommateur et font monter les prix (ou baisser la qualité). "Le libéralisme, c'est le libre-jeu du marché" FAUX: Toujours selon le dogme libéral, le libre-jeu du marché nécessite la transparence du marché et de l'information. En réalité, à cause des pratiques d'opacité et de l'inégalité dans l'accès à l'information, le consommateur ne peut choisir en connaissance de cause. "La croissance crée des emplois" FAUX: La croissance crée des emplois dans un premier temps, mais elle sert surtout à financer les " restructurations" " et les délocalisations. Au bout du compte, elle détruit davantage d'emplois qu'elle n'en crée. "Seul le marché est apte à déterminer le juste prix des matières premières, des devises, ou des entreprises" FAUX: Les marchés sont essentiellement guidés par la spéculation et la recherche du profit à court terme. Les fluctuations des cours sont souvent irrationnelles, excessives, et soumises à la manipulation. Ces oscillations excessives des cours sont destructrices, provoquant ruines et faillites dans l'économie réelle. Mais dans le même temps, ces oscillations sont aussi génératrices de profit pour les spéculateurs. Principe des vases communicants…! "L'entreprise crée des richesses. Elle est la source de la prospérité des pays et de leurs habitants" FAUX: le plus souvent, les entreprises ne créent pas de richesses, car la valeur créée est inférieure aux coûts réels des ressources utilisées ou détruites, tenant compte du coût environnemental et humain, ainsi que du coût réel des matières premières non-renouvelables. A cause de leur inefficience croissante, les grandes entreprises ne sont plus capables de créer de la valeur, mais seulement d'aspirer " la richesse des autres acteurs économiques, du corps social, et des états... Le " profit " des grandes entreprises est en réalité prélevé sur la nature, saccagée par l'exploitation, l'urbanisation et la pollution, ou " vampirisé " sur d'autres acteurs économiques: - sur les salariés qu'on aura licenciés pour économiser des coûts ou "augmenter la productivité", ou dont on aura réduit la rémunération ou la protection sociale. - sur les consommateurs qui doivent payer plus pour une qualité ou une quantité moindre. - sur les fournisseurs (en particulier sur les producteurs de matières premières minières ou agricoles) - sur d'autres entreprises dont on aura provoqué la faillite par des pratiques déloyales, ou qui sont rachetées pour être ensuite dépecées, vendues par morceaux, et dont les salariés sont transformés en chômeurs. - sur les populations du Tiers-Monde qui ont été spoliées de leurs terres et de leurs ressources, et qui ont été réduites en esclavage, obligées de travailler dans les mines ou les " ateliers de la sueur " des entreprises transnationales, ou pire encore, obligées de servir de cobayes à l'industrie pharmaceutique, ou de vendre leurs organes (le plus souvent un rein ou un œil) qui seront ensuite greffés à des malades fortunés. (le prix payé pour le prélèvement d'un rein va de 20.000 euros en Turquie, à seulement 800 euros en Inde). "Le libre-jeu du marché crée par lui-même les conditions de l'équilibre" FAUX: Le libre-jeu du marché produit l'équilibre uniquement en moyenne sur une longue période. En réalité, il oscille en permanence autour de l'équilibre, et ces oscillations sont brutales et destructrices. Une économie libérale entraîne un environnement économique instable qui prive les individus de toute sécurité, les obligeant à s'adapter sans cesse aux aléas de la conjoncture et aux " restructurations économiques ". Or comme toute vie biologique, l'être humain a besoin d'un minimum de stabilité de son environnement. Le libéralisme est donc contraire à l'homme et à la vie dans son ensemble, le libéralisme ayant aussi pour conséquence l'exploitation sauvage de la nature et la pollution généralisée de l'écosystème. "Le libéralisme est le seul choix possible, sous peine de s'isoler du Monde" FAUX: Certes, un pays cours le risque d'une délocalisation accrue des entreprises s il ne va pas dans le sens de leurs désirs. Du fait de la mondialisation, les salariés occidentaux sont désormais en concurrence avec les salariés de l'Inde ou de la Chine, y compris pour des emplois qualifiés dans le tertiaire ou les secteurs technologiques. Tant qu'il y aura le moindre profit à réaliser en délocalisant, les entreprises iront au plus offrant, dans le pays où elles trouvent les lois sociales et environnementales les moins contraignantes. Mais il en est ainsi, c'est parce que les gouvernements se sont entendus pour créer ces conditions, en appliquant simultanément dans tous les pays les déréglementations prônées par l'idéologie libérale. Ils ont réalisé la mondialisation uniquement dans un sens favorable aux entreprises, sans la contrepartie d'une mondialisation au niveau des lois de protection sociale et environnementale. La mondialisation néolibérale est résolument dissymétrique. D'autre part, cette absence apparente de choix revient de fait à une dictature des entreprises. Accepter cette dictature, c'est renoncer au pouvoir souverain des états et des représentants élus du Peuple. C'est donc renoncer à la démocratie, et accepter à terme un esclavage généralisé. Délocalisations et Mondialisation "Je décrirais plutôt la globalisation comme la liberté pour mon groupe d'investir où il veut pour le délai qu'il veut, de produire ce qu'il veut, de rechercher ses matières premières où il veut et de vendre ses produits où il veut, en s'embarrassant le moins possible des droits des travailleurs et des accords sociaux." PERCY BARNEVIK (PDG de ABB, membre du groupe de Bilderberg et de l'European Round Table) La mondialisation libérale consiste principalement en la suppression de toute entrave à la circulation des marchandises et des capitaux, rendant possible les délocalisations, les chantages à l'emploi, et les profits sans précédent des multinationales. Au risque de causer la désindustrialisation et le déclin géopolitique des pays occidentaux... But central de la mondialisation: augmenter la concurrence sur le marché du travail Les délocalisations et les chantages à l'emploi ont révélé l'objectif principal de la " mondialisation ": instituer un nouvel esclavage en mettant en concurrence directe les salariés de tous les pays, grâce à la suppression des barrières douanières et des restrictions à la circulation des capitaux. Paupérisation et enrichissement La paupérisation des consommateurs occidentaux pourrait sembler être un mauvais calcul de la part des multinationales, car au bout du compte, la baisse des revenus entraînera l'effondrement de la consommation. Mais en réalité, dans les prévisions des multinationales, la consommation globale ne sera pas affectée. Tout d'abord parce que l'appauvrissement des classes moyennes est compensé par un enrichissement sans précédent des " classes supérieures " qui profitent à plein du libéralisme. Ces 10 dernières années, pendant que les classes moyennes s'appauvrissaient, le revenu des 1% les plus riches n'a jamais autant augmenté. Ce que les uns ont perdu, les autres l'ont gagné, selon le principe bien connu des vases communicants.