L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) prendra des mesures pour sécuriser le marché pétrolier en cas de perturbations dans l'approvisionnement, a affirmé, jeudi à Illizi, le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi. "Je ne pense pas qu'il y aurait une perturbation notable (du marché) en raison de ce qui se passe en Libye. Mais si une perturbation réelle est constatée, l'Opep prendra des décisions pour sécuriser le marché", a déclaré le ministre. L'Algérie pourrait également répondre à la demande avec un pétrole de qualité suffisante, mais le pays dépasse déjà son objectif de production fixé par l'Opep à 1,2 million de bpj, selon une enquête Reuters. De son côté, l'Arabie saoudite aurait discrètement augmenté sa production de pétrole à plus de 9 millions de barils par jour (bpj), soit une augmentation de plus de 700.000 barils par jour, selon Reuters qui cite une source saoudienne proche de l'industrie. "Nous avons commencé à produire plus de 9 millions de barils par jour. Nous avons beaucoup de capacités de production," explique cette source. Reuters estime la production saoudienne à 8,3 millions de bpj en janvier. Conséquence directe de la crise et des violences en Libye, la production de pétrole a été divisée par quatre. En temps normal, la Libye exporte 1,49 million de barils par jour, dont 85% vers l'Europe. Plusieurs compagnies pétrolières opérant dans le pays ont fait état d'un ralentissement voire d'une suspension de leur activité sur place, à l'instar des groupes allemand Wintershall, français Total et espagnol, Repsol. Au moins deux des plus importants terminaux pétroliers seraient à ce jour contrôlés par les rebelles. L'arrêt d'une grande partie de la production de pétrole en Libye est un coup dur pour les raffineurs européens, qui se voient contraints de payer le prix fort pour trouver du brut de qualité, facile à raffiner . Selon l'administrateur délégué de la compagnie italienne Eni, acteur clef du secteur pétrolier libyen, la production est réduite de 75% en Libye, soit 1,2 million de barils par jour. La crainte de nouvelles interruptions de la production libyenne a porté les futures sur Brent à près de 120 dollars le baril, touchant ainsi un nouveau plus haut de deux ans et demi. Cette envolée pèse déjà sur la rentabilité des raffineries européennes. A ce jour, le marché mondial n'est pas encore menacé d'une véritable pénurie de pétrole. Les réserves sont importantes et l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a une capacité de réserve estimée à cinq millions de barils par jour. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) possède également des réserves d'urgence et étudiera les conséquences des interruptions de la production libyenne sur les pays concernés, notamment l'Italie. L'Arabie saoudite aurait par ailleurs engagé des "discussions actives", avec les compagnies pétrolières européennes afin de trouver un moyen de compenser les baisses de production liées aux événements en Libye. Ces révélations ont permis, temporairement tout au moins, d'apaiser la panique pétrolière. Après avoir gagné près de 10 dollars en peu de temps, la bulle pétrolière s'est quelque peu dégonflée jeudi: le baril de Brent est passé de près de 120 dollars en séance à 110 en clôture. Une intervention officielle de l'Opep pourrait ancrer la tendance.. En début de semaine, l'Opep a fait savoir depuis Riyad qu'elle serait prête à augmenter sa production en cas de pénurie. "S'il y a avait une diminution de l'offre, en raison de perturbations dans des pays producteurs, les pays de l'Opep, comme l'Arabie saoudite, accroîtront leur production". Des déclarations qui n'ont pas freiné durablement la hausse des cours. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) s'est dite hier "très inquiète de l'impact potentiel (pour la croissance mondiale, ndlr) si les prix restaient à ce niveau élevé pendant une longue période". David Fyfe, responsable de la division industrie et marchés pétroliers de l'AIE, a estimé que "si les prix du pétrole restaient à 100 dollars le baril en moyenne durant toute l'année 2011, les dépenses pétrolières seraient équivalentes à 5% du PIB mondial". Tout en qualifiant la crise libyenne de "situation très sérieuse", il a toutefois assuré qu' "à court terme, le marché peut faire face à cette crise". Selon lui, le pétrole libyen pouvait être remplacé par du pétrole venu de la Mer du Nord ou d'autres pays d'Afrique. Les analystes européens et les traders estiment en outre que le brut rapidement disponible en provenance des autres pays membres de l'Opep, n'est pas de la même qualité que le brut léger libyen, adapté aux vieilles raffineries européennes. "Il va falloir payer une prime pour les autres bruts. Si vous avez une quelconque contrainte de temps et que vous voulez vous fournir rapidement, il va falloir payer un certain prix pour faire face à la concurrence", explique Rob Montefusco, trader spécialisé dans le pétrole chez Sucden Financial. L'Europe importe environ 80% des 1,3 million de bpj exportés par la Libye, selon le cabinet de conseil Facts Global Energy. Si la France et l'Allemagne achètent du pétrole libyen, l'Italie est son premier client, avec 400.000 bpj importés dans les usines de raffinage italiennes. Certes, à moyen-terme, l'importation de pétrole en provenance d'autres pays producteurs pourrait permettre de répondre à la demande. Mais il semble en revanche difficile d'envisager cette solution à court terme, puisque le brut s'échange habituellement entre 21 et 40 jours avant la livraison, expliquent les traders. L'or noir du Nigeria, premier exportateur africain, pourrait potentiellement remplacer le pétrole libyen sur le long terme, mais les infrastructures sont la cible d'attaques qui affectent la production du pays. "Le Nigeria pourrait en théorie compenser (le brut libyen) et fournir jusqu'à trois millions de bpj, mais il serait impossible de compenser totalement les exportations libyennes", explique Holly Pattenden, de Business Monitor International. Les raffineurs européens, comme notamment Petroplus, Saras ou encore Tamoil, ont déjà annoncé qu'ils chercheraient des fournisseurs alternatifs à la Libye, mais seront contraints de payer un prix plus élevé. Cette hausse des coûts va peser sur les raffineurs, déjà pénalisés par une faible croissance de la demande.