Gros plan durant toute cette semaine sur l'écrivain algérien d'expression française, Mouloud Mammeri, disparu tragiquement, il y a tout juste 22 ans. La maison de la culture de Tizi Ouzou qui porte son nom ainsi que sa contrée natale d'Ath Yenni dans le Djurdjura a abrité tout au long de cette semaine des festivités commémoratives célébrant le parcours et l'œuvre d'un homme exceptionnel. à Tizi ouzou et sur initiative de l'association des enseignants de la langue amazighe, la projection de "La colline oubliée " d'Abderrahmane Bouguermouh, un film adapté du roman éponyme de écrivain a émaillé les activités de cette semaine commémorative en plus d'une expo de documents retraçant la vie, l'œuvre et le combat de M. Mammeri. Des projections de vidéos ainsi qu'un cycle de conférences-débats animés par des chercheurs et des universitaires, à l'instar de Saïd Chemakh, de Abdenour Abdeslam, de Malika et Idir Ahmed-Zaïd et de Rachid Bellil, ont également eu lieu. Le Centre culturel communal d'Ath Yenni sur l'initiative de l'association "Talwit" a abrité de son côté une conférence autour du thème, "Mouloud Mammeri, édificateur d'une nation plurielle", avant de boucler ce rendez-vous artistique par une solennelle cérémonie de recueillement sur la tombe du défunt écrivain. En plus des conférences-débats, des projections de films documentaires et des expositions, les soirées étaient animées par des représentations données par des jeunes d'associations culturelles venues de Boghni, d'Iferhounène et de Draâ Ben Khedda, ainsi que la célèbre troupe Debza. Un homme à conviction Mouloud Mammeri, l'écrivain et chercheur algérien, mourut dans un accident de voiture à l'âge de 72 ans. Il revenait du Maroc où il assistait à un colloque sur les langues maternelles. L'écrivain avait percuté un arbre dans la nuit du 26 février 1989 près de Aïn Defla, et comme Albert Camus, il était mort sur le coup. Ce n'est pas la première fois que la maison de la culture de Tizi Ouzou qui porte son nom lui rend hommage en une telle occasion. Tout comme ce fut le cas pour Kateb Yacine, l'on a souvent reproché à Mouloud Mammeri de n'être pas un auteur prolifique surtout qu'il avait mis 17 années entre son avant- dernier roman, " L'opium et le bâton " et son dernier " La traversée " l'auteur qui écrivait entre temps faisait des recherches dans plusieurs domaines, notamment anthropologiques, linguistiques -langue amazighe- et folkloriques -l'Ahellil du Gourara-, textes journalistiques…, et avait toujours soutenu que pour écrire un roman il fallait de la distance, de la décantation par rapport aux événements qui se produisent intra et extra-muros. Mammeri, l'enfant de Taourirt Mimoun un des villages de Ath Yenni faisant face à celui du chanteur Idir, (W de Tizi Ouzou), a signé quatre romans dont, " La colline oubliée " et " Le sommeil du juste ". Dans la plupart de ces textes, l'écrivain explore les événements qui ont marqué une certaine période de son pays, le dit et le dénonce de façon réfléchie et avec un certain recul. Tous ces livres portent l'empreinte d'une réalité vécue et défendent de façon acharnée les libertés et l'épanouissement de l'Humain. Deux de ces ouvrages à savoir " La colline oubliée " et " l'Opium et le bâton " ont été portés à l'écran respectivement par Abderahmane Bouguermouh, qui fut en 2007 gravement malade, et Ahmed Rachedi. Infatigable chercheur, Mouloud Mammeri a recueilli durant sa carrière l'œuvre orale du poète " maudit ", Si M'hand U m'hand, dans un ouvrage qui s'intitule, Isfra, en plus d'autres contes oraux dans Machahou, Talamchaho. Défenseur acharné de la langue et de la culture berbères, il n'a eu de cesse non pas à s'étaler dans les discours de circonstances pour leur sauvegarde, mais plutôt entrepris un travail de recherche en récoltant, s'interrogeant et en mettant toute une tradition orale à l'abri des disparitions ou de la falsification. Ce qui intéresse l'écrivain c'est surtout l'Homme, ses libertés individuelles ou collectives, son appartenance à un milieu culturellement authentique qui favoriserait son épanouissement, et la preuve c'est qu'il a travaillé sur un peuple lointain qu'il a rendu dans sa succulente pièce, " La mort absurde des Aztèques ". Ce peuple qui a été entièrement englouti par la bêtise des hommes, il en prend exemple pour prévenir contre la disparition de quelques langues locales. Dans le Gourara, Mammeri avait longtemps vécu aux côtés des hommes bleus pour comprendre, écouter, puis récolter ces chants séculaires de l'Ahellil prodigués jusqu'au petit matin par des rondes de femmes et d'hommes qui, célébrant la vie, en chantant des cantates et en tapant des mains. Il est l'un des premiers aux côtés de Foucault qui a inscrit un dictionnaire de langue touarègue, à sauver de l'oubli une culture orale certes mais plusieurs fois séculaire qui aurait favorisé nos peuples à comprendre un peu plus leurs origines.