Le Forum des pays exportateurs de gaz mène des négociations sur la coopération avec les Etats-Unis, a annoncé lundi aux journalistes à Moscou Leonid Bokhanovski, secrétaire général du FPEG. "Le FPEG retient l'attention de tous les acteurs du marché gazier, tant en Europe et Asie qu'en Amérique. Quant aux Etats-Unis, des négociations sont menées actuellement", a déclaré M.Bokhanovski dans le cadre de la Semaine énergétique internationale qui se tient dans la capitale russe. Depuis deux ou trois ans, les perspectives du gaz naturel aux Etats-Unis ont complètement changé. Pour pallier la baisse de leurs ressources "classiques" de gaz, les Etats-Unis se sont lancés dans un programme massif d'équipement en terminaux méthaniers pour y recevoir du gaz naturel liquéfié GNL. En conséquence, le prix du gaz avait dépassé les 12 $ par million de British Thermal Units (MBTU), unité anglo-saxonne utilisée dans ce secteur (*), pour atteindre un pic de 14 $/MBTU. Ce prix est désormais redescendu en dessous de 4 $/MBTU, complètement découplé du prix du pétrole qui reste voisin de 75 $ par baril. Il y a deux causes à cet effondrement des prix du gaz, l'une conjoncturelle et l'autre durable. D'une part, la récession mondiale de 2008-2009 provoquée par la crise financière a réduit la demande de gaz naturel à la fois pour les usages industriels et pour la production d'électricité. Mais surtout, on a assisté à un développement spectaculaire de la production américaine de gaz de schiste, un gaz naturel encore classé comme "non conventionnel", comme le grisou des gisements charbonniers. Ce gaz s'est formé dans certaines couches de schiste par décomposition de matières organiques fossiles sous l'action de la chaleur et de bactéries, et y reste piégé en grande quantité mais à faible concentration. Ces ressources, considérables, sont connues depuis longtemps, mais ce n'est que tout récemment que les progrès techniques (forages horizontaux, fracturation hydraulique des roches) les ont rendues exploitables à grande échelle. Il y a désormais 35000 puits produisant du gaz de schiste aux Etats-Unis - il n'y en avait qu'une cinquantaine en 1990. On prévoit que le gaz non conventionnel, qui assurait 42% de la production américaine en 2007, atteindrait 64% en 2020, ce qui, ajouté au gaz classique, rendrait les Etats-Unis pratiquement auto-suffisants pour au moins deux siècles. Aussi, la demande est affectée par le développement des gaz conventionnels aux Etats-Unis, et devant être aggravée par le surplus de production qui va émaner de l'Australie à la faveur du développement des techniques d'extraction de gaz de schiste. Cette situation a donné naissance à de nouvelles pratiques commerciales sur le marché du GNL entraînant une concurrence entre pays producteurs qui ont augmenté leur production pour maintenir les niveaux de leurs recettes. D'autre part, les Etats-Unis ont développé la production de gaz dit non conventionnelle à base de schiste. L'exploitation de ces gaz aurait presque doublé en deux ans, modifiant la demande américaine. Ainsi, les Etats-Unis ne sont plus demandeurs de gaz naturel liquéfié (GNL) provoquant un important surplus de gaz et créant une bulle gazière faisant chuter les prix. Dans ces conditions, certains pays producteurs s'interrogent sur la poursuite de leurs investissements dans la chaîne du GNL qui sera soumise à un marché spot et dont les débouchés sont plus incertains maintenant que les Américains n'importent plus de gaz. Le Forum des pays exportateurs de gaz a été institué en 2001 à Téhéran. A la septième rencontre ministérielle en décembre 2008 à Moscou, le FPEG a été transformé en organisation internationale informelle. Son siège est à Doha (Qatar). Il réunit actuellement 11 pays membres (Algérie, Bolivie, Venezuela, Egypte, Iran, Qatar, Libye, Nigeria, Russie, Trinidad et Tobago, Guinée équatoriale), et trois pays observateurs (Kazakhstan, Pays-Bas, Norvège). M.Bokhanovski a été élu secrétaire général du Forum à la 9e rencontre ministérielle en décembre 2009. S.G.