Les gouvernements des pays africains ont un objectif primordial, faire reculer la pauvreté. Pour améliorer les conditions de vie et créer plus d'emplois, les gouvernements doivent offrir à leurs citoyens des services de santé et d'éducation améliorés et de meilleures infrastructures en quantité suffisante. Il s'agit donc de construire des hôpitaux, des écoles, et de payer les médecins, les infirmiers et les enseignants qui les feront fonctionner. Tout ceci a un coût. Comment le financer, équitablement et efficacement ? Telle est la question à laquelle tous les gouvernements doivent répondre, estime Mark Plant, directeur adjoint, du Département Afrique au Fons monétaire international (FMI). Il y a des limites aux conditions dans lesquelles les gouvernements peuvent obtenir des subventions des bailleurs de fonds ou emprunter, auprès de ces bailleurs de fonds ou du secteur privé. Accroître les recettes fiscales est donc pour les pouvoirs publics un passage obligé vers l'augmentation des dépenses consacrées à la fourniture de ces services essentiels et, partant, à la réduction de la pauvreté. S'il est vrai que les pays africains ont réalisé des progrès sensibles dans la mobilisation des recettes publiques ces dernières années - passées de 11,5 % du PIB en 1995 à 15% en 2009 - ils accusent encore du retard par rapport à la plupart des autres régions du monde. Mais, la réussite de certains pays africains dans ce domaine illustre bien l'importance du renforcement des recettes publiques pour faire véritablement reculer la pauvreté. Prenons l'exemple du Mozambique. Le quasi-doublement des recettes fiscales par rapport à l'économie dans son ensemble, depuis 1992, a permis des augmentations substantielles des dépenses sociales, accompagnées de résultats tangibles en termes d'accroissement du taux de scolarisation primaire, d'amélioration de la couverture vaccinale, de l'approvisionnement en eau et de l'infrastructure d'assainissement. Au Libéria, les recettes sont passées de 6% du PIB seulement en 2003 à 20% en 2009, après que le pays eut traversé la guerre civile que l'on sait. Outre des poussées significatives des taux de scolarisation primaires, le nombre des enseignants, les taux de survie infantile et maternelle et les dépenses d'infrastructure ont augmenté. Pour aider à consolider les acquis de cette nature, une conférence sur la mobilisation des recettes en Afrique subsaharienne est organisée conjointement par le FMI et le gouvernement Kenyan, à Nairobi, les 21 et 22 mars. L'objectif premier est de donner aux décideurs africains l'occasion de procéder à un échange d'expériences et de tirer les leçons de leurs efforts qui ont été ou non couronnés de succès en matière de mobilisation des recettes publiques. Les pays sont bien évidemment confrontés à un large éventail de questions pour améliorer les recettes fiscales mais pour aider à bien cadrer le débat, nous considérons que les domaines d'action suivants doivent constituer les axes prioritaires de l'action à mener. Avant toute chose, il appartient aux pays d'éviter les composantes de la fiscalité qui freinent le développement économique ou la création d'emplois. La fiscalité doit plutôt appuyer ce développement et la création d'emplois. Une double condition doit être remplie : améliorer l'administration et la politique fiscales. Les réformes de l'administration fiscale devraient être centrées sur la lutte contre la corruption et la résolution du problème qu'il est convenu d'appeler l'incivisme fiscal et qui signifie le non-paiement des impôts par les contribuables. Près de la moitié de la base d'imposition échappe au fisc en raison de la fraude fiscale. Les réformes de politique fiscale peuvent englober un très large éventail de sujets, mais les cinq aspects suivants méritent une attention particulière : Premièrement, l'élimination des exonérations fiscales. Dans les pays africains, elles sont souvent importantes et peuvent priver l'Etat d'une part substantielle de ses recettes et ne favorisent inévitablement que quelques contribuables, ce qui est injuste. Il y a aussi des moyens plus efficaces de protéger les pauvres en axant davantage les dépenses sur des dispositifs de protection sociale bien ciblés. Deuxièmement, la simplification de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui existe dans nombre de pays, en en réduisant les taux, les exemptions et en fixant des seuils raisonnables pour tenir les petits contribuables en dehors de l'assiette de la TVA et en garantir l'équité. Troisièmement, la nécessité pour les pays de trouver les moyens de compenser les pertes de recettes résultant de la libéralisation des échanges, y compris le produit des taxes commerciales dans les unions douanières comme la Communauté est-africaine où a lieu notre conférence. Il importe aussi d'adopter des lois et règlements clairs assurant de manière explicite la protection du contribuable contre d'éventuels excès des services fiscaux, tout ceci pour une administration équitable des impôts. Enfin, plusieurs pays africains doivent veiller à ce que l'Etat obtienne une part équitable dans les négociations des licences d'exploitation de leurs ressources naturelles comme le pétrole, le gaz naturel et les produits miniers.