Le Conseil européen n'a pas réussi à convaincre José Socrates de recourir au plan de sauvetage. Les marchés redoutent la banqueroute du pays, qui assure pouvoir rembourser ses dettes jusqu'en juin. L'argent est là pour aider le Portugal, la volonté politique aussi, mais, pour l'instant, l'Europe ne peut qu'assister, les bras croisés, à la descente aux enfers du Portugal, menacé de banqueroute s'il ne fait pas appel au plan de sauvetage international. Deux jours de sommet européen, à Bruxelles, sous la pression constante des marchés, n'ont pas suffi à convaincre le premier ministre José Socrates de solliciter l'aide officielle de l'UE et du FMI. Résultat: deux mois à hauts risques se profilent pour la zone euro, avant de probables élections anticipées. "C'est aux autorités portugaises de décider ce qu'elles ont à faire", a résumé vendredi Nicolas Sarkozy. "Si le Portugal devait nous demander de l'aide, le parapluie financier que nous avons mis en place suffira", a assuré Jean-Claude Juncker, qui chiffré à 75 milliards d'euros le montant du plan de sauvetage. Au grand dam des dirigeants européens, la crise portugaise a occulté les résultats du sommet, qui signent un tournant dans l'histoire économique européenne: l'adoption de nouvelles règles budgétaires pour l'UE, avec des sanctions financières à la clé; l'obligation de présenter les projets de budget à Bruxelles avant leur présentation devant les Parlements nationaux; la création d'un mécanisme de sauvetage permanent capable de prêter jusqu'à 500 milliards d'euros, une somme jugée suffisante pour éviter la faillite d'un Etat membre de la zone euro. Autant d'avancées passées presque inaperçues auprès des marchés, de plus en plus inquiets pour la solvabilité du Portugal à court terme. Vendredi, les taux des emprunts à dix ans ont atteint 7,78%. Comme la Grèce et l'Irlande avant lui, le Portugal est menacé de faillite. Le pays doit rembourser une dette de 4,5 milliards d'euros d'ici au 15 avril et un autre de 4,9 milliards d'euros mi-juin. Après Fitch, l'agence de notation Standard & Poor's a dégradé, vendredi, de deux crans la note souveraine du Portugal, de A- à BBB, en raison de "l'incertitude politique accrue" générée par la démission du premier ministre, José Socrates. Tous les regards se tournent désormais vers Lisbonne, où se déroule la suite du drame. Le président portugais Anibal Cavaco Silva a commencé vendredi à consulter les différents partis politiques; l'hypothèse d'élections anticipées semble la plus probable. La crise politique et financière au Portugal a eu des effets circonscrits à la dette du pays et très limités sur le reste de la dette souveraine de la zone euro, illustrant ainsi le chemin parcouru par les Européens pour pallier, au moins partiellement, les lacunes de l'Union économique et monétaire (UEM). L'ensemble des marchés, taux et actions, ont également bien résisté à la catastrophe japonaise. Des professionnels font remarquer qu'au printemps de l'année dernière, quand la crise de la dette grecque avait éclaté, l'ensemble des emprunts d'Etat des pays périphériques avait été pris dans la tourmente en même temps que l'euro lui-même. Au cours de l'automne, le scénario s'est répété quand l'Irlande, dont les finances publiques sont minées par des banques lourdement lestées de créances d'une valeur proche de zéro, a dû à son tour faire appel à la solidarité de la zone euro. Quant à l'Espagne, depuis l'accord du 11 mars prévoyant la pérennisation et l'extension des capacités du dispositif de stabilité financière, elle bénéficie d'une amélioration notable de ses conditions de financement et l'écart de rendement (spread) à 10 ans avec le Bund allemand équivalent, référence de la zone euro, est passé de 227 points de base le 10 mars à 188 ce vendredi. "Nombre d'investisseurs avaient déjà vendu le Portugal et l'existence du FESF a évité la panique. La situation aurait été beaucoup plus dramatique en l'absence d'un dispositif de solidarité", souligne Nicolas Forest, responsable de la stratégie taux chez Dexia Asset Management. "Contrairement à la crise grecque (...) et la crise irlandaise (...), la zone euro n'a montré aucun signe majeur de contagion de la crise portugaise", constatent dans une note les analystes de BofA Merrill Lynch Global Research qui relèvent la très bonne résistance des dettes de l'Espagne et de l'Italie, qui ont récemment "surperformé les Bunds".