Nicolas Sarkozy se rend en Chine mercredi et jeudi pour tenter de faire avancer la réflexion sur une réforme du système monétaire international (SMI), une des priorités de la présidence française du G20. L'insurrection en Libye devrait également dominer cette visite, la cinquième du chef de l'Etat français dans le pays depuis son élection en 2007, sur fond de vives critiques des médias officiels chinois contre l'opération militaire internationale en soutien aux opposants du colonel Kadhafi. Mais son importance tient surtout au fait que la France a obtenu de la Chine, souvent accusée de maintenir sa monnaie à un niveau artificiellement sous-évalué, d'accueillir un séminaire de réflexion sur la mise en place d'un nouvel ordre monétaire mondial reposant sur une plus grande coordination des politiques nationales. Le sujet est des plus sensibles, Pékin se braquant face à toutes les pressions, notamment américaines, pour l'amener à infléchir sa politique. Lors de la dernière réunion des ministres des Finances du G20, en février à Paris, la partie chinoise avait ainsi tout fait pour éviter que les critères d'évaluation de déséquilibres structurels nécessitant une correction n'intègrent des données qui lui sont défavorables, comme les réserves de change. La réunion, à laquelle participent la plupart des ministres des Finances des grandes économies, leurs banquiers centraux et notamment le patron du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn, est un "événement inédit" qui "consacre le poids de la Chine dans l'économie mondiale", selon la présidence française. L'Elysée souligne que c'est "la première fois qu'un grand pays émergent" accueille une réunion du G20. Ce "séminaire de haut de niveau" est l'occasion d'échanges de vues sur la réforme du système monétaire international au moment où la reprise mondiale est menacée sur plusieurs fronts. "Il n'y aura pas de conclusions" ni de communiqué conjoint à l'issue de débats, ce que la présidence française juge "utile pour que les ministres puissent discuter en profondeur". A Paris en février, le G20 s'était mis d'accord pour mesurer les déséquilibres entre pays exportateurs excédentaires, comme la Chine, et les pays structurellement déficitaires, en premier lieu les Etats-Unis. Ces indicateurs, non contraignants, comprennent des données internes à chaque pays, comme le déficit budgétaire, la dette publique ou l'épargne privée. Ils mesurent aussi des données externes comme la balance des transactions courantes, la balance commerciale et "le taux de change effectif réel", qui prend en compte le niveau des prix et le pouvoir d'achat. La Chine, dont le yuan est considéré comme sous-évalué par ses principaux partenaires commerciaux, était réticente sur plusieurs des critères retenus. A Nankin, la question des déséquilibres ne sera "pas au centre des discussions", selon une source diplomatique occidentale. "On n'attend pas de décisions concernant le régime de change" de la Chine, souligne-t-on à l'Elysée, où l'on espère toutefois que "les autorités chinoises contribuent à la réflexion sur la réforme du système monétaire international". Au coeur des débats, dirigés par la ministre française de l'Economie et des Finances Christine Lagarde, se trouve la question des flux de capitaux, cruciale pour Pékin. Comme les autres pays émergents, la Chine se dit victime d'un afflux de capitaux spéculatifs à la recherche de rendements à court terme meilleurs que dans les pays développés, malgré un contrôle strict de Pékin sur les mouvements de capitaux. Cet afflux alimente l'inflation, source d'instabilité sociale. Le rôle des "droits de tirage spéciaux" (DTS) du FMI que la France voudrait voir jouer un rôle accru pour aider les pays traversant une crise financière, est aussi à l'ordre du jour. En 2009, le gouverneur de la banque centrale chinoise, Zhou Xiaochuan, avait souhaité que ces actifs de réserves internationaux, créés il y a plus de 40 ans pour remplacer l'or, deviennent une véritable monnaie supranationale. En février, le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn s'est prononcé pour un élargissement du panier qui compose les DTS -- actuellement le dollar, l'euro, le yen et la livre britannique -- aux monnaies de plusieurs pays émergents, dont la Chine. Le secrétaire américain au Trésor Timothy Geithner parlera du prochain dialogue économique et stratégique entre les Etats-Unis et la Chine, début mai aux Etats-Unis, tandis que le président français Nicolas Sarkozy, qui ouvre les débats avec le vice-Premier ministre chinois Wang Qishan, rencontrera la veille, à Pékin, son homologue chinois Hu Jintao.