La Commission européenne a appelé, hier, les Etats membres à faire de gros efforts pour enrayer la destruction de la biodiversité, en progression alarmante, à l'horizon de 2020. Bruxelles souhaite, notamment, impliquer davantage les agriculteurs dans cette cause en profitant de la réforme de la PAC (politique agricole commune) en cours. Le commissaire européen chargé de l'Environnement, Janez Potocnik, a présenté six objectifs dans le droit fil des engagements pris l'année dernière par l'UE à Nagoya (Japon), en vue d'enrayer la perte de biodiversité d'ici à 2020. Il a reconnu que les objectifs précédents, fixés pour 2010, n'avaient pas été atteints. D'ici à 2020, il s'agit notamment d'appliquer pleinement les législations existantes en matière de protection de la nature et des réserves naturelles, d'améliorer les écosystèmes et de rétablir au moins 15 % des écosystèmes dégradés grâce à une infrastructure verte, de rendre les activités agricoles et forestières plus durables, d'exploiter de façon plus durable les stocks halieutiques et de lutter contre les espèces envahissantes. Concernant l'agriculture, Janez Potocnik a plaidé pour la création d'aides directes accordées à la condition que le bénéficiaire prenne des mesures de respect de l'environnement, qui soient " obligatoires pour tous les agriculteurs, et non pas optionnelles ", à la faveur de la prochaine réforme de la PAC. Il y a urgence à agir, a souligné le commissaire, car seuls 17 % des biotopes et des espèces protégées par la loi européenne sont dans un état de conservation favorable. Et quelque 25 % des espèces animales européennes - mammifères, amphibiens, reptiles, oiseaux et papillons - sont menacés d'extinction, selon la Commission. Protéger la biodiversité représente également des enjeux économiques, a fait valoir M. Potocnik, en rappelant que la pollinisation par les insectes, qui décline fortement en Europe et dans le monde, a une valeur économique évaluée à 15 milliards d'euros par an dans l'UE. Cette stratégie a été saluée par le WWF comme " un pas dans la bonne direction, mais le vrai test pour qu'elle fonctionne dépendra de la volonté politique " et des législations qui seront adoptées. " Les solutions fondamentales ne figurent pas dans cette stratégie, mais dans les réformes législatives qui seront décidées prochainement ", notamment en ce qui concerne l'agriculture et la pêche, a souligné Alberto Arroyo, du WWF. Pour le Bureau environnemental européen (EEB), la nouvelle stratégie européenne "manque de mordant " et il y a lieu de " redouter qu'elle n'inspirera pas les actions requises " pour endiguer la perte de biodiversité. En 2001 déjà, l'UE s'était fixée des objectifs ambitieux en termes de biodiversité et elle s'était dotée en 2006 d'un "plan d'action ", mais c'est un échec, a reconnu la Commission européenne. La mauvaise application de la législation environnementale, des subventions insuffisantes, et une insuffisante intégration des problèmes de biodiversité dans les autres domaines de législation sont les explications avancées par Bruxelles pour expliquer cet échec. Pour France Nature Environnement, qui a accueilli " favorablement " cette stratégie de Bruxelles, les objectifs annoncés ne semblent toutefois " pas assez ambitieux pour stopper la perte de biodiversité et la destruction des écosystèmes dans le temps imparti ". FNE indique par ailleurs que, de son côté, la France finalisera sa stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) le 19 mai, avec une présentation publique de la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Celle de 2004, la première, n'a pas non plus atteint ses objectifs, souligne l'organisation écologiste. Le président de FNE, Bruno Genty, " attend des engagement forts de l'Etat pour réformer la gouvernance de la biodiversité afin de garantir que les arbitrages politiques et financiers ne se fassent plus au détriment de la nature ".