Une année après "Le Conseil de discipline" à la salle Atlas et vingt ans après " Rak khouya ouana chkoun ? " (Tu es mon frère, et moi qui suis-je ?), Slimane Benaissa opère un retour, qui sera certainement triomphale avec , "Oual Moudja Oualet " (Et la houle revient !), une pièce mosaïque de tout ce qu'il a signé en plus de 30 ans de carrière.Construite dans l´esprit de continuité que la tirade de "Babor Ghrek ", c´est aussi, soulignera M.Benaïssa, un mélange de poésie et d´histoire d´un individu dans la société. Depuis hier et jusqu'au 17 du mois en cours, il jouera tous les soirs à partir de 19h à la salle Sierra Maestra de Meissonnier à Alger. Jouée avec succès au Théâtre régional de Béjaïa, puis de Tizi Ouzou, cette nouvelle pièce n'est ni un one-man-show ni un monologue théâtral, mais quelque chose de neuf qui se placerait à mi-chemin entre les deux", explique le dramaturge. Ecrite et interprétée par lui-même, ce monologue dont le sobre décor fut confié à l'artiste peintre Arezki Larbi, dure une heure. Slimane Benaissa y campe son rôle de toujours, le personnage de Boualem. Décortiquant l'histoire, dénonçant les abus, vilipendant l'idéologie dogmatique qui gagne tous les secteurs de la vie publique, Slimane Benaissa a passé en revue pratiquement les mêmes sujets qu'il évoquait dans ses anciennes pièces. "Wel Moudja Wellet ", est allégorique. En clair, c'est quelque chose de sombre qui revient, et c'est aussi le retour de Slimane Benaissa en temps qu'artiste qui dit ce qui ne va pas de façon poétique. Défenseur acharné de la tradition orale sur laquelle, selon lui, se base la société algérienne, le dramaturge, tout comme fut son compère Alloula, y puise fortement en se référant aux adages en arabe populaire et langue amazigh. "Notre métier est de dire à la société ce qu´elle ne peut se dire à elle-même. Autrement, parler de choses douloureuses de manière non douloureuse. C´est cela le rôle du poète et de l´homme de théâtre", soutient-il encore. Son retour, l'an dernier à la salle Atlas de Bab El Oued avec, "Le conseil de discipline" se voulait discret, du fait, sans doute, que cet autre monologue était destiné pour la Télévision algérienne. Paraphé il y a 18 ans aux Editions Lansman, les évènements de cette pièce se déroulent dans un contexte de guerre, en 1956, soit deux ans après le déclenchement de la Révolution. A cette époque le débat sur la nécessité d'une lutte armée contre le colonisateur français faisait rage. En intellectuel, Slimane Benaissa a transposé ce débat sur les planches sur la base d'un prétexte : un incident entre deux élèves d'un collège qui amène le proviseur à réunir six professeurs pour un étrange pique-nique dans un climat tendu. Chacun défendant son point de vue avec tellement d'arguments personnels et conviction que l'on doit se rendre à l'évidence : la guerre ne peut qu'éclater ! Les longues diatribes entre les uns et les autres donneront alors "Le conseil de discipline ", une pièce qui nous remet dans un contexte colonial très sombre sauf que la conscience du peuple qui veut en finir avec les colons permettait l'espoir. Le casting du metteur en scène, qui avait monté cette pièce en un mois est des plus alléchants : il a fait évoluer sur scène des comédiens qui sont à peu près de la même génération et qui ont eu à endosser pareil rôles dans d'autres œuvres. Ils s'appellent Mohamed Remas, Mustapha Ayad, Djamel Bouneb, Arslan, Brahim Chergui et Slimane Benaïssa lui-même. Le décor a été confié à l'artiste peintre Larbi Arezki. On y voit une imposante carcasse d'une jeep de l'armée coloniale française, sur laquelle est écrit "vive le FLN". Le propos n'était donc pas neutre. Slimane Benaissa qui rencontrait la presse en début de semaine, déplorait lui aussi le manque criard de textes théâtraux. Il préconise le recours à deux choses : puiser dans les textes internationaux et former au plus vite des jeunes dramaturges, ce qu'il s'attèlera à faire dans un proche avenir, en ouvrant un cycle de formation au Théâtre régional de Tizi Ouzou.