Dès aujourd'hui, il est possible de trouver des billets low-cost sur les vols Air France. Cette pratique est appelée à se développerà l'automne. L'activité moyen-courrier d'Air France, celle qui concerne les vols domestiques, européens ou vers les pays méditerranéens, est très malade, perdant des dizaines de millions d'euros face à la concurrence des trains à grande vitesse et des compagnies low-cost, comme Ryanair, easyJet ou Vueling. Le concept "voler plus pour gagner plus" ne s'appliquait pas à la compagnie nationale, car le système de rémunération des équipages ne s'y prêtait pas. Les heures supplémentaires payées annulaient la moindre marge dégagée. Pour sortir de cette impasse sans créer d'affrontement social majeur, les équipes de Bruno Matheu, directeur général commercial d'Air France, ont imaginé le concept de bases de province, constatant que la moitié des navigants avait déserté la capitale pour résider essentiellement dans le Sud. Mais ceux-ci devaient quand même prendre leur service à Roissy-CDG ou à Orly. En créant des bases à Marseille cet automne, puis à Nice, Toulouse et Bordeaux au service d'été 2012, Air France offre de meilleures conditions de vie à ses navigants, mais leur demande des efforts de productivité, moyennant une hausse de salaire. "C'est jouer gagnant-gagnant", souligne un commandant de bord. À peine les listes de volontariat ont été ouvertes que 85 pilotes ont signé en deux jours. 13 nouvelles destinations Pour obtenir 25 % de productivité supplémentaire, Air France demande donc à ses équipages de travailler plus, mais rend l'offre suffisamment séduisante avec 15 % d'augmentation pour séduire des volontaires. Ainsi, un commandant de bord d'Airbus A320 qui gagnait 11 344 euros par mois, selon le bilan social 2010, émargera à 13 845 euros pour seulement 13 jours d'activité par mois, mais il volera 715 heures de vol par an au lieu de 550 actuellement.Au final, les coûts pour la compagnie aérienne doivent diminuer de 15 % et devenir compétitifs par rapport aux tarifs des low-cost et des trains à grande vitesse. Au lieu de voler huit heures par jour, les avions basés en province vont être utilisés jusqu'à douze heures, ce qui permettra d'ouvrir de nouvelles destinations à coût marginal.Ainsi, dès le 2 octobre, Marseille va être reliée à Biarritz, Brest, Athènes, Copenhague, Moscou, mais aussi Beyrouth, Istanbul ou Casablanca, soit treize nouvelles destinations (54 pour les quatre bases).Les passagers - 1,3 million attendus la première année à Marseille - auront accès à des billets à partir de 50 euros (10 % de la capacité de l'avion) et 70 euros (10 % en plus). Des tarifstout compris Pierre-Henri Gourgeon, directeur général d'Air France, récemment plébiscité par l'assemblée générale des actionnaires, tient à préciser qu'il s'agit d'un tarif tout compris avec bagages, choix du siège, collation gratuite, journaux à bord, programme de miles, etc. Cette offre se différencie de celle des low-cost où tout ce qui est supplémentaire est payant. Notons d'ailleurs que, au départ de Marseille, Air France évite d'affronter directement Ryanair et aucune destination n'entre en concurrence. Le fait, à terme, de baser en province quarante avions sur une flotte moyen-courrier de cent trente n'est pas anodin. Cela implique les navigants, mais aussi les équipes au sol. À Marseille, la CGT a avalisé le projet... Très centralisée, Air France se délocalise donc, ce qui est une révolution culturelle, créant sur place des postes d'interlocuteurs uniques pour les différents métiers du transport aérien. Ainsi, les agents de voyages marseillais négocieront avec le délégué régional les tarifs de leurs circuits. Localement, les bases fonctionneront un peu comme des PME en unité opérationnelle autonome avec un budget propre. Marseille va donc être le laboratoire à la fin de cette année qui aidera à définir le fonctionnement de Nice, Toulouse et Bordeaux en 2012 et, peut-être plus tard, celui de Lyon et d'Orly.