Hosni Moubarak présenté de nouveau, hier, au tribunal du Caire, pour une deuxième audience qui pourrait décider de la convocation ou non comme témoin du maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, le chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui dirige le pays. L'ancien président égyptien est jugé pour corruption, détournement de fonds publics et homicides avec préméditation dans le cadre de la répression du mouvement de contestation de janvier et février qui a provoqué sa démission et a fait, selon un bilan officiel, 840 morts. Le procès a débuté le 3 août dernier et Moubarak encourt la peine capitale. Hosni Moubarak, détenu depuis lors dans un hôpital du Caire, a été transporté dans la salle d'audience sur une civière, selon des images de la télévision officielle. L'air austère et calme, l'ancien "raïs", pull-over bleu et mains jointes sur la poitrine, a échangé quelques mots avec ses fils Alaa et Gamal, également jugés. Il a répondu "présent" lorsque le juge Ahmed Refaat a appelé son nom. La tension était palpable autour du palais de justice du Caire. Des échauffourées ont éclaté entre partisans et opposants de Moubarak, s'échangeant insultes et jets de pierres malgré les centaines de policiers anti-émeutes. "Justice réveille-toi ! Moubarak a tué mes frères ! Exécutez l'assassin !", entendait-on d'un côté. "Il est un Egyptien jusqu'à la mort" ou "Moubarak n'est pas Saddam", criait-on de l'autre, en référence à l'ancien président irakien jugé et exécuté en 2006. TEMOIN À DECHARGE ? Selon le juriste Mahmoud Khoudeiri, le juge Refaat devrait consacrer l'audience à désigner les témoins parmi la longue liste déposée par les avocats des deux parties. Les avocats de la défense estiment qu'un témoignage de Tantaoui sur le rôle de Moubarak face au soulèvement pourrait décider du sort de l'ancien président, qui est âgé de 83 ans. Tantaoui a été le ministre de la Défense de Moubarak pendant deux décennies avant de prendre la tête du CSFA après la chute du "raïs" le 11 février. Les avocats de la défense ont, dès la première audience, demandé à entendre Mohamed Tantaoui ainsi que l'ancien chef des services de renseignement Omar Souleimane et 1 600 autres témoins. "Le témoignage de Tantaoui pourrait aider la cour à déterminer si Moubarak a donné ordre au ministre de l'Intérieur, Habib al Adli, de tirer sur les protestataires ou si Adli a agi indépendamment", a expliqué un membre de l'équipe d'avocats, qui a souhaité rester anonyme. Le procès de l'ancien ministre de l'Intérieur et de six de ses anciens collaborateurs a repris dimanche au Caire. La prochaine audience a été fixée au 5 septembre. Mais les avocats des familles des manifestants tués demandent aussi que Tantaoui témoigne devant le tribunal. "Les avocats de la défense considèrent Tantaoui comme un témoin à décharge, qui disculpera Moubarak. Les avocats des plaignants, eux, attendent de lui qu'il dise avoir reçu l'ordre de tirer, ce qui est nécessaire pour condamner Moubarak", déclare un avocat. Selon Essam Soltan, l'un des avocats des plaignants, le juge Ahmed Refaat voudra entendre les arguments des avocats à l'appui de leur requête avant de prendre une décision. Les dossiers des prévenus sont liés et chacun pourrait accuser son supérieur d'avoir donné ordre de tirer, ce qui affaiblirait selon Soltan les éléments à charge contre Moubarak. L'armée assure que tout officier convoqué par le juge se rendra au procès. Mais de source judiciaire, on estime que même s'il est convoqué, Tantaoui n'apparaîtra pas immédiatement au procès, afin de protéger l'armée de l'attention médiatique. Le CSFA a promis d'assurer la transition démocratique du pays le plus peuplé du monde arabe, un processus encore loin d'être achevé.